Abdelmajid Guelmami
Les enjeux politiques de la bataille pour les services publics
Les services publics sont au cœur du débat politique en France, en Europe et dans le monde.
En France, après le 29 mai 2005, se développe une profonde recherche d’alternative notamment dans les milieux et quartiers populaires où les populations veulent se battre contre les inégalités, les ségrégations et les discriminations. Elles refusent la mise en place d’une société à plusieurs vitesses.
La disparition des services sera celle du lien social, de la vie de quartier, de la vie sociale.
Il s’agit bel et bien d’une recherche de mobilisation et de construction d’une alternative politique antilibérale et anticapitaliste qui appréhende les services publics dans le sens de la transformation sociale.
Car la satisfaction des besoins humains est au carrefour de valeurs d’égalité, de justice sociale et de solidarité. Ce sont les valeurs de partage qui rendent possibles la vie en commun et la construction d’une société qui place les besoins humains au cœur des choix politiques.
La conception que l’on a des services publics est conditionnée par notre conception de la société. Il y a un rapport entre la place que l’on confère aux services publics et la conception que l’on se fait de la république. Le besoin de travailler la cohérence entre services publics et institutions de la république s’en ressent. La dimension service public est une dimension fondatrice de la République.
C’est pourquoi il ne s’agit pas de concevoir les services publics comme amortisseur des méfaits les plus manifestes du libéralisme, du capitalisme, comme le pensent encore certains à gauche.
Il y a une stratégie de morcellement des grandes entreprises publiques intégrées. Nous assistons à une remise en cause des principes fondateurs des services publics par les directives européennes. Les services publics sont confrontés à une offensive européenne en règle. L’Europe n’a de compétence qu’en matière de déréglementations.
On ne peut pas se battre sur les services publics en France sans se battre sur les services publics en Europe et dans le monde (AGCS). En France, l’intérêt général et l’intérêt commun sont l’objet des attaques systématiques de la droite. Il existe des liens entre crise sociale et rupture démocratique.
La question de la propriété des entreprises publiques
Certains à gauche pensent que la nature de l’opérateur (public ou privé) ne compte pas et qu’il suffit d’agir sur la régulation. Ils désertent la question centrale de l’appropriation des services publics par les citoyens dont dépend l’avenir des services publics.
Cette question se pose à plusieurs niveaux.
Re-nationaliser une entreprise publique récemment privatisée ne fera pas de miracle. Il sera nécessaire de reconquérir les services publics et les entreprises publiques.
Des intervenants ont souligné l’exigence de re-nationaliser toutes les entreprises publiques privatisées depuis quelques années.
Il faut re-nationaliser mais aussi nationaliser (ex : eau, le médicament).
D’autres considèrent que parler de re-nationaliser ne recouvre pas la complexité des problèmes auxquels la société est confrontée. Ils proposent de recourir à la notion de « re-publiciser » qui permet d’intégrer le besoin de services publics européens en vue de mettre fin à la concurrence entre services publics et développer le droit à la coopération du niveau local au niveau européen et mondial. Alors que d’autres participants pensent que parler de services publics européens pour consolider les services publics en France est utopique.
D’autres encore insistent sur l’exigence de nationaliser tout simplement parce que il y a d’autres domaines où il faudrait passer du privé au public. Ainsi, la proposition de création d’un opérateur public dans chaque domaine où il y en pas encore a été fortement exprimée.
Faut-il hésiter de parler de monopole public quand les libéraux préparent des monopoles privés à travers le processus de privatisation, s’interroge un participant ?
La démocratie et les pouvoirs
Rendre le pouvoir à ceux et celles concernés par les services publics est le moyen le plus efficace pour les préserver et les développer.
L’Etatisme ne permet pas aux citoyens de peser sur les décisions dans des domaines qui concernent leur vie de tous les jours. La question de l’appropriation sociale mérite d’être débattue à gauche.
Pour favoriser l’appropriation sociale, il est proposé de réformer les conseils d’administration des entreprises publiques par une loi qui modifierait leur composition : un tiers de représentants des salariés, un tiers des usagers et un tiers de représentants d’élus. Cette nouvelle règle des trois tiers est en capacité de créer de l’intérêt général.
Il ne s’agit pas, comme le proposent certains, d’un contrôle sur les entreprises publiques mais d’un véritable pouvoir sur la finalité et la gestion en faisant du peuple le véritable propriétaire de ces services.
Actuellement, le seul pouvoir pour les salariés c’est celui de faire grève et entrer dans des conflits sociaux.
L’atelier laisse ressortir une forte convergence sur besoin d’une démocratie qui se décline à toutes les échelles. Une conception moderne de la démocratie c’est rendre le pouvoir au peuple en matière de service public.
L’intervention citoyenne doit permettre aux citoyens de peser également sur les choix industriels et technologiques des entreprises, d’élaborer des investigations, des enquêtes, des évaluations. Combien d’AZF encore pour se rendre compte de la nécessité d’une intervention citoyenne !
Propositions alternatives
Avant de restituer les propositions de l’atelier, rappelons quelques principes ou exigences communes que les intervenants ont formulé à cet effet.
Une définition légale des critères de fonctionnement du service public est aujourd’hui incontournable.
Il est politiquement pertinent d’opposer le principe progressiste de « libre coopération » au principe libéral « d’obligation de concurrence » inscrite dans les textes.
Il y a certes l’égalité de traitement qu’il faut défendre mais ce sont la solidarité et la cohésion sociale qui doivent être au cœur de nos objectifs communs.
Ne faut-il pas opposer à la notion de rentabilité financière celle de rentabilité sociale ?
C’est important de partager les constats pour pouvoir construire ensemble.
Il y a un ravin entre les services publics et les besoins de la population qui appellent une grande transformation sociale. On ne peut plus se contenter de défendre l’existant mais d’une reconquête des entreprises publiques et des services publics.
Ces principes et exigences favorisent la formulation de plusieurs propositions que l’on peut organiser en plusieurs catégories.
Stopper les processus en concours
* Arrêter la filialisation des activités bénéficiaires des entreprises publiques pour mettre ces dernières en déficits en vue d’une privatisation.
* Abroger toutes les directives européennes transposées après la victoire du NON au référendum.
* Exiger un bilan de la déréglementation.
* Donner aux pays la liberté de sortir de l’obligation de déréglementation.
* Améliorer l’efficacité des services publics.
* S’opposer à l’apprentissage à 14 ans et défendre une culture scolaire de haut niveau.
* Demander le maintien de la formation initiale et la formation continue hors AGCS au lieu de se contenter de demander de faire sortir l’éducation de l’AGCS.
Une proposition pour l’appropriation sociale
* Réformer les conseils d’administration des entreprises publiques par une loi modifiant leur composition : un tiers de représentants des salariés, un tiers des usagers et un tiers de représentants d’élus. Des intervenants veulent étoffer cette proposition par la création au niveau local d’instances dans lesquelles les conseillers généraux siègeraient.
Reconquérir les services publics
* EDF doit être re-nationalisée.
* Recréer une entreprise publique intégrée de la poste, des télécommunications et des nouvelles technologies de l’information et de la communication.
* Mettre en place un service public de l’audiovisuel afin de dégager les chaînes des règles marchandes de l’audimat, d’assurer aux usagers, aux salariés et aux élus l’intervention et le contrôle sur la programmation et d’obliger les chaînes privées de répondre à obligations publiques.
* Proposer l’école obligatoire entre 3 et 18 ans. Le service public de l’école doit se donner les moyens de faire réussir les élèves pour contrecarrer la vision utilitariste du savoir. On ne construit pas l’école en faisant fi des conditions d’existence des élèves.
Extension des services publics à d’autres secteurs.
* Introduire un opérateur public dans le domaine de l’eau.
* Construire un service public européen de l’énergie et service public mondial de l’eau.
* Créer un service public de l’emploi.
* Créer un service public de la formation qui fédère les outils existants qui sont mis en concurrence.
Développer la gratuité
Il faut se rendre à l’évidence que le champ de la gratuité est de grande importance ( l’Ecole, la petite enfance, etc.). Il aide à contenir la sphère du marchand. La culture et l’Internet peuvent est insérés rapidement dans le champ de la gratuité.
Opérateurs publics
La proposition d’un opérateur public dans chaque secteur. Un nouveau modèle d’entreprise publique avec des objectifs, des statuts des salariés, des relations avec les usagers, interventions dans les gestions, coopérations. Il s’agit d’un nouveau paradigme de service public.
Financer les services publics
On ne peut pas faire abstraction des énormes profits et plus-values engrangés par les institutions financières et croire construire une société de justice sociale.
* Créer un Pôle financier public.
* Réformer la BCE qui doit participer au financement du développement industriel et technologique en Europe et réformer la Banque Mondiale.
* réformer la fiscalité.
* Faire contribuer les entreprises publiques et privées au financement et au développement de la recherche publique.
Proposition pour la suite du Forum
Proposition d’un forum national sur les services publics co-organisé par la gauche dans le premier semestre bau début de 2006.