Atelier 6 - Sarah Jane-Mellor
Les participantes et participants de l’atelier se sont accordés pour dire que le triomphe de la souveraineté populaire, que constitue la victoire du non de gauche le 29 mai suivie de la victoire du non néerlandais, a contribué entre critique propulsive et recherche d’alternatives à revivifier le débat européen et à exiger en permanence une information pour le coup « libre et non faussée ». L’existence, la floraison de centaines de collectifs du non au Traité Constitutionnel Européen à travers le pays ont fait la démonstration de la diversité du rassemblement à gauche (individus, associations, orgas syndicales, partis politiques) et inauguré une saison nouvelle de l’agir politique, de l’agir ensemble ; en témoigne l’actualité de ces forums pluriels et colorés.
L’alternative est-elle possible en Europe ? C’est par l’affirmative qu’a répondu notre rapporteur Raoul Marc Jennar. La mondialisation néo-libérale entendue comme globalisation, celle de l’état minimum, de la finance souveraine, de la casse sociale et des carences démocratiques peut être combattue. Rien n’est inéluctable. Tout est question de volonté politique. Et l’Europe, le cheval de Troie de la mondialisation néo-libérale mais qui sait être cette formidable caisse de résonance aux luttes sociales (Euromarches, FSE...), est un levier décisif pour le changement. L’autre monde possible passe ainsi par l’autre Europe possible : une Europe des droits, résolument ouverte sur le monde.
Une Europe des droits, c’est d’abord une Europe de l’emploi, avec une prééminence du social et du politique sur l’économique, une réorientation radicale des politiques en vigueur contre la baisse des fiscalités, les délocalisations et le dumping social. Certains ont évoqué le principe de non régression sociale pour contrecarrer les scandaleuses directives européennes. D’autres ont dénoncé le rôle antisocial de la Banque centrale européenne et exigé qu’elle soit soumise à un contrôle démocratique. En termes de propositions, ont été formulés les souhaits du développement des services publics contre la marchandisation avec la Stratégie de Lisbonne, d’un SMIC européen et d’une politique sélective du crédit, en faveur des entreprises qui favoriseraient l’emploi et de formation, et non celles qui spéculent contre l’emploi. Une Europe des droits, c’est bien entendu une Europe de la démocratie élargie avec par exemple une solidarité Est-Ouest, l’égalité de genre et l’institution d’une citoyenneté européenne de résidence. Œuvrer pour un autre développement, c’est aussi exiger que la souveraineté alimentaire prime sur le principe de la libre concurrence et promouvoir une politique européenne active de l’environnement (Kyoto...)
Mais l’Europe se doit également de renouer avec son idéal originel et de constamment véhiculer une culture de paix, du désarmement et de la non-violence. Dans cet esprit, souligne une participante, le dépassement de l’OTAN s’impose. En aucun cas, l’OTAN doit devenir une institution européenne. L’annulation totale et inconditionnelle de la dette est un préalable fondamental pour un autre type de coopération et de réciprocité avec le Sud, contrairement au néo-colonialisme dont elle fait preuve quand on voit son rôle en Afrique. Contre l’hégémonisme, l’atlantisme et l’unilatéralisme, l’Europe peut peser autrement et agir pour une refonte des institutions internationales : réformer les Nations Unies par exemple et rompre avec le Conseil de Sécurité, retirer les services qui peuvent être considérés comme de véritables biens communs de l’humanité (santé, éducation, logement, culture, eau..) du champ de l’OMC et l’AGCS et œuvrer pour la démocratisation de l’accès aux soins et aux médicaments. De nombreuses personnes ont dénoncé le rôle odieux de l’OMC vis-à-vis des pays du Sud. Des intervenants ont en outre insisté sur le besoin de soutenir les luttes populaires contre les politiques des institutions financières internationales et plus spécifiquement ont salué le Mali qui vient de revenir sur la privatisation de l’eau et de l’électricité.
En guise de conclusion, se déclinent des initiatives concrètes pour cette autre Europe possible : le rendez-vous des collectifs du non les 3 et 4 décembre, la poursuite de la mobilisation contre Bolkenstein avec une EuroManif le 14 janvier, l’élaboration d’une Charte des principes de l’autre Europe à Vienne, le FSE d’Athènes courant mai, les Etats Généraux Européens du Logement en février à Bruxelles... Les participant-e-s de l’atelier ont décidé de se revoir en février pour que le champ des possibles se transforme en un chantier du réel.