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« Vous avez pris la parole, gardez-la ! »

Pour un véritable service public du transport ferroviaire

Par Michel Billout, sénateur communiste de Seine-et-Marne

Au regard de l’aspiration grandissante à la mobilité, la question du transport public est fondamentale. D’autant que la demande de transport de marchandises va augmenter de 40 % d’ici à 2025 et celle du transport voyageurs de 60 %.

Dans le contexte de crise énergétique majeure et avec l’impératif de développement durable inscrit dans le protocole de Kyoto, le développement du transport ferroviaire semble une réponse pertinente. Pourtant que constate-t-on ? Le gouvernement, qui avait créé une agence de financement des infrastructures lors du budget 2005, la prive aujourd’hui de financements pérennes en privatisant les concessions d’autoroutes. Le désengagement de l’État se traduit aussi par la volonté de s’en remettre aux régions pour assumer les obligations de service public et par la possibilité accrue de recours à l’initiative privée. Ce même gouvernement a fait voter, il y a quelques jours, un projet de loi intitulé « sécurité et développement des transports », qui transpose en droit français une directive européenne prévoyant l’ouverture à la concurrence du fret ferroviaire.

Ces choix ont été contestés le 29 mars dernier par le peuple français. Il a majoritairement refusé le projet de constitution européenne, qui se proposait d’imposer les principes de libre concurrence et de soumission au marché de l’ensemble des activités, et notamment celles de service public. L’heure est donc aux propositions concrètes. Nous en avons, elles méritent d’être discutées avec les citoyens et enrichies par l’échange.

La première urgence est d’obtenir un moratoire interdisant toute nouvelle mesure de libéralisation tant qu’une évaluation des conséquences économiques et sociales des politiques européennes d’ouverture à la concurrence n’a pas été réalisée. Ce moratoire devrait ainsi naturellement conduire à la renégociation des directives européennes. J’estime qu’il convient également de préciser la notion de service public, et notamment de service public ferroviaire.

La construction européenne s’est faite sur le principe de libre circulation, or il ne vaut dans les faits que pour les capitaux et les entreprises. Parce que c’est une Europe des peuples qu’il nous faut construire, exigeons que ce principe fondateur s’applique d’abord aux citoyens en reconnaissant un véritable droit à la mobilité. La satisfaction de ce droit passe par la mise en oeuvre, sur l’ensemble du territoire, d’une offre de transport fondée sur le principe de l’égal accès de tous grâce à une tarification sociale et à la péréquation. Ces besoins ne peuvent être garantis par l’initiative privée, plus intéressée par le retour sur investissement et la rentabilité que par ces considérations d’intérêt général. Ainsi, il en découle un principe simple : le service public ne peut s’accomplir que sous maîtrise publique.

Tout d’abord, maîtrise publique des infrastructures. Aujourd’hui, l’entreprise publique RFF ne dispose pas des marges de manoeuvre nécessaires au regard de la dette qui l’étouffe. Nous souhaitons la reprise de la dette de la SNCF et de RFF par l’État afin de permettre à l’entreprise publique d’entreprendre les investissements nécessaires en matière d’infrastructures nouvelles et de modernisation des réseaux.

Mais aussi maîtrise publique des financements. La mise en oeuvre d’un pôle public de financement pourrait se constituer autour de la Caisse des dépôts et consignation. Il aurait pour mission de rechercher les financements, notamment européens. Le développement des services publics devant être l’affaire de tous, lui serait adjoint un conseil de surveillance, composé de parlementaires, d’élus locaux, de représentants des usagers et des salariés.

Nous souhaitons aussi, dans un souci de cohérence, la fusion de ces deux entreprises publiques : activité ferroviaire et gestion du réseau vont de pair.

Nous soutenons, parce qu’il s’agit d’un enjeu majeur pour notre planète, le rééquilibrage modal des modes de transport au profit du rail. Pour ce faire, il faut d’abord reconnaître que les transports sont actuellement sous-tarifés. Le dumping social organisé par la route est rendu possible par l’externalisation des coûts, supportée de plus en plus par les collectivités territoriales et par la flexibilité du travail. C’est ce modèle qui est proposé pour l’activité ferroviaire. Proposons alors, pour le transport routier, la mise en place d’une tarification qui prenne en compte la réglementation du travail, le coût des infrastructures, de l’aménagement du territoire et d’une tarification sociale.

Cette approche induit nécessairement une autre construction européenne, guidée par la volonté de mettre en oeuvre une véritable politique commune de développement des réseaux transeuropéens de fret ferroviaire intégrant les objectifs de développement durable, de protection de l’environnement, d’aménagement du territoire et de développement de l’emploi.

Toutes ces propositions, nous les faisons régulièrement au sein de l’Hémicycle, elles sont rejetées par la majorité sénatoriale et par le gouvernement, elles doivent aujourd’hui constituer l’apport communiste, dans une démarche plus large de rassemblement majoritaire pour dépasser le libéralisme et ne pas faire de ces débats de simples débats d’initiés.


Le : 07.11.2005
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