Atelier 1 - Pierre Zarka
Une des caractéristiques essentielles du travail de l’Atelier a été à la fois d’émettre des propositions précises et de veiller à ce qu’elles s’inscrivent dans une cohérence qui leur donne sens, crédibilité et donc efficacité politique. C’est dans cet esprit que nous souhaitons que ce travail se poursuive et nourrisse une pratique politique d’intervention citoyenne. Dans le peu de temps dont je dispose je me limiterai à ce qui me semble être les arêtes les plus vives du débat et je m’excuse par avance auprès de celles et ceux qui n’y retrouveraient pas leurs idées.
1.Quelques mots sur « croissance »
Le premier point porte sur des échanges concernant l’idée de croissance et son contenu. La nécessité de rompre avec le productivisme est apparu nettement partagée notamment à partir des préoccupations écologiques, en liaison avec les défis de la révolution technologique informationnelle.
Cela a conduit à interroger le contenu de la croissance actuelle. La protestation radicale qu’expriment contre celle-ci les tenants de la décroissance a été partagée par l’atelier. Mais ce qui a émergé du débat c’est la nécessité d’un nouveau type de croissance, partant des fins, c’est-à-dire le développement de toutes les capacités humaines et la sécurisation de l’emploi, de la formation et des activités humaines ; et cela implique d’organiser certaines décroissances, c’est vrai par exemple des armements et des marchés financiers.
2.Les moyens financiers
Je commencerai par la maîtrise de l’utilisation de l’argent de l’Etat, des collectivités territoriales, des entreprises, des banques, de l’Europe. A travers cette énumération, il s’agit de s’attaquer à la domination des marchés financiers par la création de nouveaux financements.
Certains sont intervenus en insistant sur la socialisation des institutions financières et ce qu’on pourrait appeler la constitution pour un autre crédit d’un pôle public financier, impliquant des institutions telles que la Caisse des dépôts, les caisses d’épargnes et posant la nécessité d’une réorientation et d’une maîtrise publique de la BCE. Des débats en découlent, par exemple, suffit-il de baisser les taux d’intérêts de la BCE ou cette mesure sans une sélectivité incitant à la création d’emplois et pénalisant les opérations financières, une baisse des taux indifférenciée ne risquerait-elle pas de favoriser la spéculation ? De même, est venue la proposition de créer des fonds régionaux pour l’emploi et la formation utilisant l’argent public pour changer les liaisons entre banques et entreprises sur les territoires.
La fiscalité n’a pas été posée simplement comme un outil de redistribution des richesses mais comme un levier pour pousser à les produire autrement, en pénalisant les logiques financières et en encourageant les logiques de création d’emploi, de qualification et de développement territorial pour les populations.
L’ensemble de ces points permettrait de penser autrement le développement des services publics, le développement d’une nouvelle politique industrielle et une politique de recherche et de formation dégagée du pilotage par les logiques privées.
3.Rôle du secteur public
La place du secteur public a été revendiquée par tous les présents. Mais l’atelier ne s’en est pas tenu là. A été évoqué avec force le fait que le statu quo ou le retour aux simples nationalisations telles qu’elles ont été conçues jusqu’à présent ne pouvait répondre aux besoins. La question d’un nouveau type d’entreprise publique dont le champ d’intervention et le mode démocratique des gestions et leurs critères, les principes de coopération et de financement soient à la hauteur des enjeux actuels.
4.Moyens politiques et appropriation de pouvoirs
La discussion a conduit un certain nombre d’entre nous à porter un regard critique sur l’intitulé de notre atelier : « Comment donner à l’Etat et aux collectivités publiques les moyens de politiques publiques ambitieuses ? ».
Il nous a semblé que cet intitulé pouvait nous enfermer dans une démarche essentiellement délégataire. Or, à nos yeux, une des dimensions de la crédibilité de ce que nous pouvons proposer repose non seulement sur l’intervention populaire mais sur sa capacité à s’approprier simultanément du contenu transformateur et des pouvoirs effectifs. Face à la démocratie délégataire en crise, s’est exprimé le besoin d’avancer dans la construction d’une démocratie participative et d’intervention et la conquête de nouveaux pouvoirs, du niveau local jusqu’au niveau européen et même mondial, dans l’espace des institutions publiques comme dans les entreprises. Cela passe, pour le mouvement populaire, par se donner les moyens de maîtriser les outils de connaissance existants et d’en produire de nouveaux.
Les questions qui ont été discutées recoupaient naturellement les thèmes d’autres ateliers, dont celui sur l’Union européenne, sur l’emploi, sur les institutions, sur les financements des services publics, sur la responsabilité sociale et territoriale des entreprises. Le temps me manque pour que je développe, mais ont été abordés aussi les enjeux de la recherche, les pôles de compétitivité et la nécessaire maîtrise du foncier et de l’immobilier.
Plusieurs intervenants se sont fait les interprètes de forums locaux qui s’étaient tenus auparavant et je crois me faire à mon tour l’interprète de tous en disant que nous souhaitons que ce processus de travail collectif continue et s’élargisse.