Les productions intellectuelles prennent de plus en plus de place au cœur même de la production de richesses marchandes. Le travail humain a de plus en plus besoin d’aliments culturels, de savoirs, d’informations. Contrôler tous ces biens immatériels devient une condition de la production élargie de richesses. Le développement de la révolution informationnelle ne fait que rendre plus nécessaire cette maîtrise.
Voici enfin les propositions que je vous propose d’acter dans le domaine des arts et de la culture.
1 - Réintroduire l’enseignement des arts et le dialogue avec les artistes à l’école.
Le patrimoine et la création artistiques doivent faire partie d’une culture scolaire commune. Cet enseignement doit inclure une éducation à l’image et aux techniques de communication. En dehors de l’école, l’action des associations culturelles et d’éducation populaire, des syndicats, des comités d’entreprise, doit être reconnue et encouragée financièrement.
2 - Consacrer 1 % des richesses produites à l’intervention publique pour la liberté des arts et de la culture.
1 % du PIB, c’est peu par rapport aux investissements capitalistes dans le champ culturel. Mais bien utilisé, cela permettrait de commencer à rendre son importance à l’intérêt général. Pour y parvenir, il faut un doublement du budget de l’Etat et un effort supplémentaire de toutes les collectivités territoriales, ce qui nécessite une réforme de la fiscalité appuyée sur la taxation des actifs financiers et sur une progression des dotations d’Etat qui tiennent compte de la totalité de la progression du PIB.
3 - Libérer la pratique artistique et la création, la diffusion culturelle et l’information des logiques financières du marché.
Quelques capitalistes - Bouygues, Lagardère, Dassault, le groupe de Wendel - dominent plus de 90 % de l’édition, de la production et de la diffusion dans les domaines du cinéma, de la
communication ou de l’édition, dont celle des livres scolaires. Il faut briser ce pouvoir abusif : la loi doit interdire de telles concentrations.
La mécanique de la consommation marchande, dont l’audimat est le veilleur, ne doit plus dicter sa loi sur l’instrument universel de divertissement, de culture et d’information qu’est la télévision. Toute publicité liée à des programmations d’émissions en direction des enfants doit être interdite.
L’autonomie des rédactions chargées de l’information audiovisuelle, mais également celle de l’information écrite, doivent être assurée par des règles qui les dégagent vraiment des pouvoirs économiques. La concession de canaux audiovisuels doit être soumise en pratique à des obligations de soutien à la création.
Nous réaffirmons notre attachement au principe de la redevance pour les chaînes publiques de l’audiovisuel sur lesquelles toute publicité doit être interdite. L’Etat doit financer le manque à gagner par une taxation des budgets publicitaires dans le privé.
L’accès à toutes les formes de production artistique sur Internet et le droit de copies privées à usage individuel ou familial doivent être légalisés. La rémunération des auteurs, artistes et interprètes doit être préservée grâce à des dispositifs sociaux et collectifs : part de l’abonnement payé par les internautes, taxation des organismes serveurs qui bénéficient de recettes publicitaires...
4 - Établir la démocratie culturelle.
Toute politique nécessite une réflexion sur sa production même. Nous sommes attachés aux formes originales françaises de la création culturelle et de sa diffusion, liées à la notion d’exception culturelle
De ce point de vue, la notion « d’intermittent » traduit, comme le souligne le rapport « Guillot » à la fois le principe de la liberté artistique et la prise en compte de la discontinuité des contrats. C’est pourquoi les régimes de chômage et d’assurances sociales qui protègent les professions artistiques par la solidarité interprofessionnelle doivent être garantis et pérennisés.
Cette reconnaissance n’est nullement contradictoire avec une réflexion sur la pérennité artistique et la lutte contre la précarité dans ce secteur professionnel.
La définition des politiques culturelles ne revient pas aux conseils d’administration, mais au peuple. Les citoyens, les salariés, les associations culturelles et d’éducation populaire, les auteurs, les créateurs, les artistes, les techniciens du spectacle sont mieux placés que des actionnaires pour discuter ensemble des conditions dans lesquelles peut se développer, sur tous les territoires comme à l’entreprise, l’avancée, au profit de tous, de la civilisation humaine. Nous proposons que se constituent à chaque niveau institutionnel des assemblées rassemblant élus, créateurs et citoyens afin de contribuer à l’élaboration collective de politiques culturelles qui respectent vraiment la liberté de création et qui ouvrent à toutes et à tous l’appropriation de la culture contemporaine.