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"Vous avez pris la parole gardez-la !"

La décroissance, c’est davantage d’inégalité et d’autoritarisme

Les dossiers de l’Humanité.

Par Jean-Christophe Le Duigou, secrétaire confédéral de la CGT

« Les syndicalistes ont besoin de faire un gros effort sur la question du développement durable et ils peuvent contribuer à clarifier les enjeux parce qu’ils ont des choses particulières à apporter.

En qui concerne la CGT, je ne dirais pas que c’est complètement intégré dans la réflexion et la démarche, mais cela fait une bonne dizaine d’années que l’on s’y essaye (...). Je ferai trois remarques. D’abord la conscience que l’on va dans le mur est aujourd’hui largement répandue. C’est une réalité nouvelle.

Mais parce que c’est grave, nous avons besoin de nous donner les moyens de bien réfléchir, d’être très inventifs. Est-ce que l’on fait quelques adaptations pour rendre le système supportable ou bien est-ce que l’on a une vision radicalement nouvelle du développement ?

Le débat n’est pas simplement politique, il est aussi social (...).

Deuxième remarque : dans la CGT, on a réussi à faire prendre en compte la dimension environnementale et écologiste, trop peu encore par rapport aux besoins, quand on a su la rattacher à ce que vivent quotidiennement les salariés à travers la contradiction entre, d’un côté leur activité de producteurs qui n’ont leur mot à dire ni sur ce qu’ils font dans l’entreprise, ni sur le produit de leur travail, et de l’autre, la reproduction de leur force de travail. Le MEDEF martèle l’idée : l’entreprise c’est la réalité, à la société de s’y adapter. Il ne faut pas simplement répondre à l’inverse que c’est à l’entreprise de s’adapter à la société.

C’est l’entreprise et la société qui doivent être adaptées aux nouveaux enjeux auxquels nous devons faire face. En posant ainsi le problème, le salarié redonne un sens à sa bataille en reliant ces deux dimensions structurellement clivées (...). Dans les années soixante-dix, face à une CGT très productiviste, la CFDT parlait des dégâts du progrès, ce qui n’était pas juste. Ce n’était pas les dégâts du progrès, c’était les dégâts d’une certaine organisation sociale et d’un progrès conditionné par les logiques capitalistes.

Troisième remarque : je ne me retrouve pas dans le débat croissance-décroissance. C’est raisonner quantitativement, alors que ce qui me paraît absolument essentiel c’est le contenu de la croissance.

La preuve est faite que les inégalités s’accroissent très fortement dans les phases de régression de la croissance. L’autoritarisme aussi. Et cela s’oppose à ce que, en tant que syndicaliste, je considère comme les enjeux centraux du changement de l’entreprise. Face à des défis majeurs, nous avons besoin de davantage de richesses utiles. Quelle économie de moyens matériels et financiers relativement à la richesse produite ? C’est le grand problème qui débouche sur celui de la démocratie (...). Je ne crois pas que l’État puisse seul s’opposer à la privatisation des gestions, des règles. Il y a donc bien un enjeu de maîtrise collective des biens publics, de l’action, de l’organisation de la société pour affronter ces questions. »


Le : 19.10.2005
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