Compte rendu

Services publics et choix de société

Marseille - 15ème - le 2 décembre 2005

Soirée à la fois studieuse et animée à la Maison du Peuple de Saint-Louis, dans le 15e arrondissement de marseille, où près de cinquante personnes se sont retrouvées, vendredi dernier, afin de débattre des besoins de défendre et développer les services publics

Les services publics sont dans le collimateur du gouvernement. Et pourtant, les besoins en la matière se font de plus en plus sentir. Les sections communistes des quartiers nord avaient invité la population à venir débattre de la question.
Aucune tribune. Ici, chacun participe à égalité. Chacun apporte sa pierre, qu’il représente ou non un parti, une organisation.
La population a été invitée. Les partis et les organisation également. Il y a Jean-Marc Coppola, secrétaire de la fédération communiste des BDR , vice-président du conseil régional ; Joël Dutto, président du groupe communiste au conseil général ; Valérie Diamanti et Daniel Signoret, respectivement secrétaires des sections communistes des 15e sud et 16e arrondissement ; Henri Saint-Jean, de la Ligue communiste révolutionnaire ; Fernand Chave et Alain Nectar, cégétistes à EDF ; Georges Chahine, responsable CGT de la RTM, au dépôt d’Arenc. On y remarque de nombreux élus communistes de la mairie des 15e et 16e arrondissements : Claude Casério, adjoint au maire Frédéric Dutoit, qui s’est fait excuser, n’ayant pu être présent ; Michel Ortiz, responsable du groupe communiste, Jacques Gaspérini, responsable aux écoles.
C’est Valérie Diamanti , également conseillère d’arrondissement, qui introduit le débat. La dirigeante communiste explique la fonction des forums que les communistes organisent partout dans le pays : celle de construire une alternative politique avec les gens et les partis politiques, et ainsi de faire bouger la gauche.
Les forums s’organisent dans les quartiers, les cités et rassemblent tous ceux qui veulent construire une autre politique, afin de battre celle qui est mise en œuvre par la droite.
On assiste, explique Valérie Diamanti, à une attaque de grande ampleur des services publics par le gouvernement. C’est ainsi que la machine à privatiser fonctionne à plein, avec dans la ligne de mire l’énergie (GDF, EDF), les transports (SNCM, SNCF, RTM) ; les autoroutes... Les moyens manquent cruellement pour les hôpitaux, l’enseignement. Et pourtant, le besoin de services publics n’a jamais été aussi fort. La dirigeante communiste pointe le manque cruel de services de proximité dans les quartiers Nord. Ces derniers souffrent du manque de desserte en ce qui concerne les transports urbains. Quant à EDF, les antennes de St Louis et d’Arenc ont disparu.
Le mouvement social, par sa lutte, exprime le rejet de telles privatisations. On l’a vu avec les luttes qui se sont menées notamment dans la Creuse. Plus près de nous, à Marseille, les luttes des marins, des agents d’EDF, des salariés de la RTM.
Le besoin de développer les services publics se fait de plus en plus sentir, ainsi que de changer leur gestion afin qu’ils répondent toujours mieux aux besoins des populations.
Dans cette riposte, la réflexion s’élargit : quels services publics ? Valérie Diamanti poursuit : Ces derniers reposent sur des valeurs fortes : d’égalité, dans le droit d’accès à chacun, quels que soient ses revenus ; de solidarité afin d’assurer la cohésion sociale et territoriale ; de maîtrise citoyenne avec la mise en œuvre de véritables politiques publiques.
Les besoins se font sentir d’étendre le droit d’accès aux services publics, notamment en matière d’eau, de logement, de crédits, du traitement des déchets nucléaires.
Les besoins se font pressants, également pour démocratiser les services publics, dont la gestion doit être prise en compte par les salariés, usagers et élus.
C’est ainsi, conclut la dirigeante communiste, que les services publics répondront mieux aux attentes des gens.

-  Le débat s’engage : un retraité pointe le besoin primordial que représentent les services publics pour les populations.
Il relève l’absence de commissariat dans certains quartiers. Il s’élève contre la casse de la Sécu, les attaques contre les assurés sociaux avec la mise en place de l’euro pour les visites médicales, le forfait hospitalier en augmentation, les 18 euros supplémentaires pour certains traitements.
Pour lui, il s’agit d’un gouvernement de revanchards, de haine. Il pointe la nécessaire intervention sur le plan politique, alors que l’abstention progresse.

-  Henri Saint-Jean de la LCR évoque les propos de Raoul-Marc Jenar : les services publics sont un besoin quotidien, lorsque l’on allume la lumière, lorsque l’on ouvre le robinet, on se sert de tels services. Pour lui, le logement, y compris l’alimentation doivent faire partir des services publics. Ensuite, il pointe le doigt sur leur nécessaire démocratisation, désétatisation. Il relève que si des émeutes ne se sont pas produites à Marseille, lors de la crise des banlieues, c’est probablement aussi parce qu’il existe un secteur associatif important dans la ville. Il rappelle que nous sommes, en ce moment même, en situation d’urgence, non pas sociale mais d’exception pour le gouvernement, qui a instauré l’Etat d’urgence. Il termine ses propos en appelant à une véritable conjonction des luttes salariés-usagers.

-  Pour Daniel Signoret, il s’agit d’un véritable choix de société. Il fait porter son propos sur la jeunesse en montrant que de nombreux jeunes n’ont pas de mutuelle et manquent cruellement de couverture sociale. Il insiste à son tour sur les valeurs que portent les services publics, en matière d’égalité et du droit d’accès pour tous.

-  Joël Dutto revient sur des choses simples. Pour lui, les premiers concernés par les services publics, ce ne sont pas les salariés mais les usagers. Les services publics n’existent que pour servir le public. Et pour cela, ils ne recherchent pas la rentabilité financière mais l’efficacité sociale. On ne peut donc pas les considérer comme des marchandises.

-  Une femme intervient au sujet de la jeunesse. Elle explique, en prenant sa propre expérience que cette dernière se pose beaucoup de questions. Et en particulier sur le rôle de l’argent qui sert à renflouer le privé au moment où l’on fait des économies sur le public. Pour elle, les services publics participent de la démocratie de proximité, locale. Elle insiste pour que de nouvelles pratiques aparaissent, avec des types de participation directe de la population.

-  Une autre intervenante met l’accent sur la propagande du gouvernement. Gaudin n’a pas dit qu’il allait privatiser la RTM, ils agissent plus sournoisement. Elle stigmatise l’attaque du premier magistrat de la ville qui s’est polarisée sur la seule CGT alors que la lutte était menée par une intersyndicale. Si le politique ne suit pas, on va vers des lendemains qui vont déchanter conclut-elle.

-  Georges Chahine intervient à son tour. Il parle de besoin de se réapproprier la politique. Pour beaucoup, dit-il, la période du référendum a été vécu comme une renaissance de la politique. Chacun a pu s’emparer de la chose publique. Quant à la lutte des traminots, il relève qu’à la suite de la reprise du travail, il n’y a eu aucune animosité de la part des Marseillais. Et de se poser la question : la bataille de l’opinion publique, qui l’a gagnée ?

-  Un traminot à la retraite, habitant de Menpenti pose la question : qu’est ce qu’une privatisation ? Un groupe financier fait main basse sur un entrprise dans le but de réaliser les profits les plus grands. Un service public n’est pas une affaire commerciale. Il donne son témoignage. Avant la Libération, existait le Compagnie générale française des tramways détenue par le magnat de la finance, Rotschild. A l’époque, seules les personnes aisées empruntaient le tramway, les autres autre marchaient à pied. Il évoque d’ailleurs Vincent Scotto qui, dans une chanson explique qu’il prendra le tramway ...comme les riches. A la Libération, avec la mise en place du programee du Conseil national de la Résistance, de nombreuses sociétés reviennent à la Nation, la Sécu fait son apparition. Il s’agissait d’organiser l’éviction des féodalités économiques et financières ; afin de subordonner les intérêts particuliers à l’intérêt général. En 1950, est créée la RATVM, service public qui devait devenir la RTM. Pour conclure, il stigmatise l’attitude du Maire de Marseille qui se retranche derrière le pouvoir que seuls les élus doivent détenir. Or, dans son programme municipal, il n’y avait aucune mention sur la DSP. Les élus doivent s’en tenir à leur engagement. Il s’agit donc bien d’un coup de force et d’un détournement de pouvoir.

-  A son tour, Jean-Marc Coppola intervient dans la discussion. Il reprend l’idée émise par Georges Chahine de la réappropriation de la politique par les citoyens.
Il est nécessaire, indique le dirigeant communiste, de se réapproprier les valeurs et les droits contenus dans la conception des services publics. Valeur qui portent su l’égalité, la solidarité, la démocratie dans l’accès. Il s’agit d’un travail militant essentiel pour rassembler. Jean-Marc Coppola pointe un sondage publié dans les médias. Il note que seulement 19% de la population marseillaise sont favorables à une gestion privée de la RTM.
D’ailleurs, sondages après sondages, l’attachement des Français est fort pour les services publics. On y tient lance t-il.
Il insiste sur l’idée que les salariés du service public, lorsqu’ils luttent, ils alertent la population sur la nécessité qu’elle se réapproprie le patrimoine que constituent les services publics. Il prend l’exemple des événements de 1995 et la lutte magnifique qu’ont menée les cheminots. Pour lui, il ne s’agissait pas, pour la population d’une grève par procuration, comme tant de journaux en ont parlé, mais d’une réappropriation par la population des valeurs du service public. Ainsi, la preuve est faite que l’on peut se rassembler largement autour de ses valeurs. Il termine son propos par la nécessité d’avoir un service public de l’information.

-  C’est Fernand Chave qui intervient. Il démontre que le prix de l’énergie n’a cessé de grimper depuis la privatisation. De plu, la recherche de dividendes toujours plus attractifs pour les actionnaires entraîne un manque criant d’investissements dans le secteur productif. Le responsable syndical attire l’attention de l’assistance sur la nécessité d’une maîtrise de la nation sur le secteur énergétique, avec une période d’augmentation des prix du pétrole qui va perdurer. La campagne gouvernementale visant à faire croire que l’électricité était rendu aux usagers avec l’ouverture du capital est un mensonge grossier. Car, EDF appartient déjà à ses usagers, et ce sont eux qui ont participé à son développement en s’acquittant de leurs factures. En dix ans, ces dernières ont baissé de 29%. Les prix étant basés sur le prix de revient . Dorénavant, ces derniers s’aligneront sur les marchés, dont les prix sont à la hausse, suite à la volonté de financer les actionnaires. Le responsable syndical prend l’exemple du prix de l’eau qui s’étale sur une fourchette allant de 1 à 7 sur le territoire français.
Or, le principe du secteur public est de permettre à tous, quels que soient ses revenus et le lieu de son habitation, d’avoir accès à un service indispensable. Avec une même tarification sur l’ensemble du territoire.
Avec la privatisation, il va y avoir un transfert des revenus des usagers, qui vont devoir payer de plus en plus cher, vers celui des actionnaires dont les dividendes seront de plus en plus volumineux. La question de la sécurité est aussi posée. L’exemple des transports aériens montre que celle-ci est négligée afin de faire le maximum d’économies sur les investissements qui seraient nécessaires. Economies dont la seule explication réside dans la volonté d’augmenter toujours plus la valeur des actions.
Le syndicaliste CGT met en exergue des situations qui dépassent l’entendement. Ainsi, l’hôpital de Besançon, qui avait décidé de changer de fournisseur d’électricité, a vu sa facture augmentée de 50%. Enfermé dans une logique suicidaire, il n’a même pas les moyens de revenir au choix d’EDF. De par la loi, il ne peutr ainsi revenir en arrière. Pour conclure, Fernand Chave stigmatise l’archaïsme économique qui consiste à mettre en concurrence EDF et GDF qui vont ainsi se battre pour s’arracher la clientèle.
Un grand service public peut âtre préservé et développer avec la fusion de ces deux entreprises.
Il appelle à un renforcement de la lutte pour mettre en échec l’ouverture à la concurrence pour les particuliers qui va se faire dès 2007. Albert Dodoussian, retraité de la Sécu s’interroge sur le type de développement que l’on veut pour les services publics. Pour quels intérêts ? Marchands ou humains ?
Pour lui, avec les privatisations, le gouvernement rend plus difficile tout espoir de changement.
Il pose la question : peut-on gagner cette bataille. Il pense qu’il s’agit d’une lutte à mener sur le plan local, européen et mondial.
Il est possible, selon lui, de créer un rapport de forces suffisant. Il est nécessaire que le mouvement social et les partis politiques se rencontrent. Que le mécontentement investisse les enjeux politiques. Se basant sur des sondages récents, il montre que l’image du capitalisme est en recul. Il y a une expérience du mouvement populaire, notamment à la Libération, avec le Conseil national de la Résistance. Ce qui a pu se faire, dans des conditions autres, à un moment de notre histoire peut servir de leçon et montrer ainsi le réalisme d’une autre perspective.
-  Valérie Diamanti intervient à nouveau pour lancer l’idée, dans les quartiers Nord, d’assises des services publics.

-  Un intervenant de St André indique que les services publics posent les questions de service de proximité, de démocratie directe. Pourquoi pas un référendum sur ces questions ?

-  Georges Chahine reprend le micro. Son intervention est basée sur la nécessité d’un mouvement populaire et citoyen plus large. Ainsi, dit-il, les salariés se sont battus pendant 46 jours, parfois on se demandait où étaient les Marseillais, alors que c’est pour le service public que nous étions en lutte. Il soulève la question d’une insuffisance d’interventions politiques, qui auraient pu consolider et porter plus loin l’impact des luttes.
Il rend hommage au journal « La Marseillaise », grâce à laquelle ils ont pu confectionner un quatre pages sur les raisons de la grève. Des arguments qu’il trouve toujours utiles aujourd’hui. Il pense que la diffusion de ce quatre pages est loin d’être dépassée. Il exprime l’idée de sortir un journal sur les services publics, où l’on donnerait la parole aux salariés et aux usagers.
Il conclut par l’attaque du gouvernement sur les services publics, une attaque qui existe dans toute l’Europe, et qui montre ainsi la cohérence des féodalités financières et de leurs pouvoirs.
-  Un intervenant insiste sur le fait que la politique, c’est la vie de tous les jours. Privatiser, c’est faire reculer la civilisation, c’est s’en prendre aux acquis sociaux.

-  C’est Jean-Marc Coppola qui devait intervenir en dernier. Non pas pour conclure, car le débat est loin d’être terminé. Il fait ressortir l’émergence, tout au long du débat, d’idées qu’il faudra bien prendre en compte.
Il revient sur la nécessaire réappropriation par les citoyens de la politique. Il insiste sur l’idée que, quelles que soient leurs opinions politiques, les citoyens de notre pays ont des exigences sur la qualité des services publics. Sur l’insuffisance de l’intervention des forces politiques dans le conflit à la RTM, insuffisance soulignée par Georges Chahine, Jean-Marc Coppola soulève le problème de la perspective à gauche. Ce n’est pas un mystère que des désaccords existent à gauche. C’est bien pour cela d’ailleurs qu’il est important, tout comme lors de la bataille référendaire, de mettre la question de la perspective politique sur la place publique, comme nous étions parvenus à le faire pour le Traité constitutionnel.
Pour le dirigeant communiste, il nous faut valoriser le secteur public, la puissance publique. Il rappelle les grandes réalisations : TGV, Airbus. Il souligne que la France est dans le peloton de tête en ce qui concerne la santé. Or, aujourd’hui, tous les secteurs sont attaqués, y compris la recherche qui connaît un processus de privatisation, notamment avec les pôles de compétitivité.
Jean-Marc Coppola relève que certains dirigeants politiques ne voient pas plus loin que les échéances électorales, alors que les question d’aménagement du territoire, de recherche demandent à ce que l’on réfléchisse avec des perspectives qui s’annoncent sur 20 ou 50 ans. Il faut poser, selon lui, la question des financements, il est nécessaire de rendre crédible tout espoir de changement. Il soulève la question de la formation d’un pôle public de financement.
Avec la pseudo-décentralisation engagée par le gouvernement, les inégalités vont s’aggraver entre collectivités, entre régions, entre départements.
Le dirigeant communiste explique que le PCF n’est pas un parti étatiste. Mais, il souligne le besoin d’une politique nationale en faveur des services publics, du rôle de l’Etat pour mieux réguler, mieux distribuer. Entre les libéraux et les citoyens, il y a deux conceptions de la société qui s’affrontent.
La vigueur avec laquelle le train de privatisation est lancé, montre que nos gouvernants et les forces du capital veulent aller vite, fort et partout.
Il leur faut à tout prix casser l’espoir né de la victoire du 29 mai. Ainsi, une véritable course de vitesse est engagée. Il nous faut, nous aussi agir vite, fort et partout.
Avec les forums, notamment, il nous faut crédibiliser une autre voie possible, une perspective politique.
Il est plus de 20 heures. Après plus de deux heures de débat, les participants se quittent.
Mais chacun a la ferme certitude qu’il ne s’agit que d’un au revoir

Henri GENARD