Parti socialiste

Changer le monde

Congrès du Mans - Motion finale

Face à la mondialisation libérale, nous voulons promouvoir un nouvel âge du socialisme : la mondialisation solidaire.

A - Pour une gouvernance mondiale

Nous proposons de renforcer l’autorité de l’ONU en donnant davantage de pouvoir au Secrétaire général des Nations-Unies et en augmentant la contribution financière des Etats pour permettre la constitution de forces humanitaires.

Le Conseil de Sécurité doit être élargi aux nouvelles puissances, à l’Afrique et au continent latino-américain. L’exercice du droit de veto doit être encadré. Le droit d’ingérence, précisé.

Parallèlement, le Conseil économique et Social de l’ONU doit devenir un Conseil du développement humain doté de nouvelles compétences, les pouvoirs de la Commission des droits de l’Homme doivent être étendus, une assemblée interparlementaire de l’ONU doit être créée.

Mais la réforme de la gouvernance mondiale doit aussi concerner les organes internes du FMI et de la Banque Mondiale. La représentation et le poids des pays en développement doivent être accrus. L’Union européenne doit y regrouper sa propre représentation. Elle aurait alors un poids supérieur à celui des États-Unis.

B - Pour un développement partagé

Le principe directeur de la gouvernance économique mondiale est aujourd’hui le libre- échange et la libéralisation de toutes les activités.

Le monde a besoin d’un renversement de perspective. Les socialistes doivent le promouvoir.

Il s’agit de mettre réellement l’action du FMI, de la Banque mondiale, de l’OMC, au service du développement, de passer des grandes déclarations de générosité des Chefs d’Etat dans les sommets internationaux aux actes. On ne construira pas une société mondiale sur le seul marché mondial.

1/- Respecter les objectifs du « millénaire » : l’indispensable redistribution mondiale.

Une telle ambition suppose des moyens nouveaux. De premiers fonds, comme le fonds « Onusida », préfigurent ce que pourraient être de futurs « fonds structurels mondiaux ».

La première des priorités doit être de sauver les objectifs du « Millénaire » définis en 2000 (diminution de moitié de la pauvreté et de la faim d’ici 2015, éradication des principales maladies infectieuses, accès à l’éducation, égalité homme/femme, etc...).

Les montants actuels de l’aide publique au développement ne suffiront pas à financer ces objectifs de la communauté internationale.

L’Aide Publique au Développement est aujourd’hui d’environ 0,25% du PIB des pays de l’OCDE alors qu’un objectif de 0,7 % avait été fixé, il y a trente ans. 50 milliards de dollars supplémentaires par an sont nécessaires immédiatement et 70 milliards dès 2010, dont la moitié pour l’Afrique, pour répondre aux besoins les plus élémentaires.

Pour financer une convergence efficace entre pays en voie de développement et pays industrialisés, nous proposons que soit enfin créée une taxe sur les transactions financières de nature spéculative. L’objectif de multiplier par huit les volumes de l’aide actuelle au développement, qui ne représenterait encore qu’environ 1,5 % de la richesse des pays à haut niveau de revenu, nous paraît raisonnable compte tenu de notre immense responsabilité collective. L’Europe doit proposer la création de « fonds structurels mondiaux » pour aider les pays du Sud à rattraper leur retard et à faire face aux besoins de leur population dans des domaines comme l’accès à l’eau, aux médicaments et à la santé, aux énergies renouvelables et à l’éducation ainsi que l’amélioration des conditions de travail et des droits des travailleurs.

La lutte contre les paradis fiscaux, bancaires et judiciaires doit enfin sortir des fatigantes déclarations d’intention. Elle doit être au coeur de notre action.

L’institut de la Banque mondiale a estimé le coût colossal de la délinquance financière à :
« 1 trillion de dollars EU uniquement sur des transactions annuelles d’un type particulier à l’échelle mondiale ». La corruption, quant à elle, peut réduire le taux de croissance d’un pays de 0,5 et 1 point de pourcentage par an.

Ainsi, l’évaporation d’une part des investissements (publics et privés) freine leur efficacité et diminue fortement l’effet redistributif de tous les mécanismes de solidarité publique. Nous devons donc prendre des mesures radicales contre ces grands fléaux qui sont en lien direct, à défaut de quoi les politiques publiques et l’aide au développement non pas d’effet réel.

Des mesures internationales contre la délinquance financière et la corruption s’imposent :

-  une coopération judiciaire renforcée entre les Etats,

-  faciliter la levée du secret bancaire dans le cadre d’instruction judiciaire,

-  transparence des flux financiers et des aides publiques, renforcement des contrôles fiscaux sur les entreprises,

-  l’interdiction pour une entreprise dont un cadre est condamné dans une affaire de pot-de-vin de postuler à un marché public,

-  la fin des aides publiques à toute entreprise impliquée dans des délits financiers,

-  le renforcement des juridictions financières, des brigades financières,

-  l’obligation de transparence sur les revenus pétroliers versés aux Etats et sur les commissions versées aux agents intermédiaires,

-  l’extension du droit d’alerte à la lutte contre la corruption et la protection des salariés contre le licenciement en cas d’exercice de ce droit.

2/- Annuler réellement la dette.

L’Afrique subsaharienne reste encore débitrice de 210 milliards aujourd’hui et des pays remboursent encore annuellement des montants plus importants qu’ils n’en peuvent consacrer à l’éducation ou à la santé. Les décisions du dernier G8 sont un pas, mais ne concernent qu’une annulation partielle et étalée de la dette pour 18 pays. La dette des pays pauvres doit être totalement annulé sans affecter les montants de l’Aide au développement.

Le FMI doit également lutter contre les risques de crise monétaire qui déstabilisent les pays émergents en établissant une réglementation plus rigoureuse des mouvements de capitaux, en luttant contre les paradis fiscaux et en définissant une politique monétaire mondiale, fondée sur des marges de fluctuation prédéfinies entre les principales devises internationales.

3/- Réformer les institutions économiques internationales

Nous proposons de placer le FMI, la Banque Mondiale et l’OMC sous la tutelle d’un organe des Nations-Unies qui respecte une hiérarchie des normes en donnant la priorité aux critères sociaux et environnementaux

Il serait composé d’une représentation équitable de tous les continents, assurerait la tutelle des agences internationales, et devrait veiller au respect d’une hiérarchie des normes qui placerait les droits sociaux, la santé, la culture, l’environnement au dessus des règles commerciales. Il pourrait renforcer les pouvoirs de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et de l’Organisation Internationale du Travail (OIT), et créer une Organisation Mondiale de l’Environnement chargée de la mise en oeuvre du protocole de Kyoto, de la protection de la biodiversité et de la prévention des catastrophes naturelles.

Ces agences multilatérales pourraient être dotées du pouvoir de prendre des sanctions contre les États qui ne respectent pas les conventions internationales et d’un organe de règlement des différends qui, comme celui de l’OMC, serait habilité à rendre des jugements contraignants.

4/- Mettre l’OMC au service du développement

L’échec des conférences de Cancún et de Seattle, a mis en évidence la nécessité d’une profonde réforme de l’OMC, de ses règles et de ses priorités. La première des exigences est de prouver que le commerce peut réellement être mis au service du développement.

- Changer les règles de l’OMC

Plutôt que la libéralisation des échanges à tout prix, c’est le soutien à la diversification économique, la prise en compte des différences de niveau de développement, et l’aide à la création de grands ensembles régionaux qu’il faut promouvoir.

Quant au maintien de dispositions différentes entre pays industrialisés et pays émergents, il doit être considéré comme indispensable tant qu’existent de tels écarts entre les uns et les autres.

Il en est ainsi pour l’agriculture qui est vitale pour les pays en développement. Une grande partie de leurs économies, leurs emplois et leurs exportations en dépendent. Les subventions des pays riches ont des effets dévastateurs pour les pays du Sud comme l’a montré l’affaire du coton. Si l’Union européenne veut promouvoir une agriculture respectueuse de l’environnement, intégrant des normes sanitaires élevées, elle doit convaincre de sa bonne foi en commençant par s’engager sur une date de suppression des subventions aux exportations. L’Europe doit par ailleurs proposer une assistance permettant aux pays en développement de répondre aux normes sanitaires de plus en plus élevées qu’elle a édictées et qui n’ont pas à devenir des obstacles à l’exportation. Mais elle devrait aussi plaider pour que la dimension commerciale de l’agriculture n’occulte pas d’autres objectifs, comme la souveraineté alimentaire et la sécurité alimentaire.

De même, la promotion du travail décent doit devenir une règle de l’OMC.

Il ne s’agit pas d’établir de nouvelles barrières protectionnistes liées aux différences de salaires entre le Nord et le Sud, mais de faire respecter des principes reconnus par chaque État en tant que membre de l’OIT. La communauté internationale ne doit pas accepter que le commerce se développe au prix du dumping social, du travail forcé ou celui de des enfants, mais utiliser le commerce comme levier pour accroître le niveau social des pays du Sud. C’est pourquoi il est légitime de demander que l’ouverture commerciale s’accompagne de standards plus forts en matière de droits sociaux et syndicaux.

Enfin, les services publics, en particulier l’Education, la santé, l’eau, l’énergie, mais aussi la culture, doivent être tenus à l’écart des négociations en cours dans le cadre de l’AGCS. Les règles de l’OMC sur le commerce des services ne doivent pas mettre en danger le droit de chaque pays à organiser librement ses services publics.

- Changer le fonctionnement de l’OMC

Il convient d’abord d’assurer les conditions d’une réelle participation de tous les pays membres, en particulier les plus pauvres, au suivi des négociations.

Il faut également accroître la transparence des négociations. L’établissement d’une assemblée parlementaire consultative auprès de l’OMC renforcerait ce contrôle et faciliterait les échanges entre législateurs du Nord et du Sud sur les questions les plus difficiles comme l’agriculture ou les normes sociales.

Ensuite institutionnaliser le dialogue avec le mouvement social, assurer la transparence des instances de décision en rendant publics les documents préparatoires, les résultats des délibérations et les positions des Etats,

Enfin il est nécessaire de soumettre l’Organisation Mondiale du Commerce à l’ONU de façon à l’obliger à en respecter la charte. Les normes sociales, environnementales et sanitaires, ainsi que le respect de la diversité culturelle, principes édictés par les organismes multilatéraux (OIT, OMC, Unesco) doivent acquérir une valeur juridique primant sur les normes commerciales.

Le Traité de l’OMC doit donc être réformé.

La politique commerciale commune de l’Union européenne doit elle aussi être davantage débattue et contrôlée au sein des parlements nationaux et au Parlement européen. Celui-ci devrait voter sur le mandat de négociation des représentants de l’Union dans les organisations multilatérales.

Transparence et débat public mettront davantage la politique extérieure de l’Europe au service du développement.