Parti communiste français

Patriarcat et néolibéralisme

Assemblée des femmes - PGE, Athènes le 28 octobre 2005

Par Laurence Cohen

Le capitalisme mondialisé a besoin de faire voler en éclat toute entrave à la libre circulation des capitaux, il engendre de terribles inégalités ; les réponses qu’il apporte aux maux de l’humanité apparaissent de plus en plus comme inefficaces, inadaptées, dangereuses suscitant des résistances, des révoltes, des rassemblements (FSE, FSM....) Si la domination capital/ travail est et demeure la structure dominante des sociétés en France, en Europe et dans le Monde, les autres formes de domination, notamment masculine, empêchent toute transformation sociale, car elles contribuent à opposer les individus entre eux, à fixer les préjugés et à fragmenter les résistances.

Le Patriarcat traverse les structures de classe.

Le capitalisme est non seulement l’exploitation du travail, mais aussi la reprise amplifiée de toutes les formes d’aliénations. Il faut donc s’attaquer aux deux, sans croire que le dépassement de la première conduit automatiquement au dépassement des autres.

Si toutes les femmes de cette assemblée en sont convaincues, nous avons beaucoup à faire, me semble- t - il, pour que l’ensemble des partis du PGE partage cette conclusion. C’est l’analyse plus pertinente des faits de société, la prise de conscience qu’il ne suffit pas de transformer la société pour libérer les individus, pour faire évoluer les mentalités qui poussent le parti communiste français aujourd’hui à affirmer qu’il faut mener ces deux combats de front.

Dénoncer l’ordre patriarcal, montrer que cet ordre (universel) existe d’une manière autonome indépendamment des structures socio-économiques de classe, des structures ethniques, est de nature à faire évoluer les mentalités pour opérer des rassemblements au - delà des seuls mouvements féministes.

Il est indispensable d’unir nos efforts pour faire en sorte que l’égalité homme/ femme soit effective dans tous les domaines de la vie. Comment prétendre changer la société si on ne fait pas disparaître les rapports de domination entre les individus ?

L’histoire nous montre que les choses ne vont pas de soi, qu’il faut que les hommes et les femmes opèrent une prise de conscience sur cette question pour mener des batailles rassembleuses qui ouvrent d’autres perspectives. A l’heure où l’Europe libérale accentue les inégalités, les discriminations, singulièrement à l’encontre des femmes, il est important de défendre leurs droits dans tous les domaines.

Plus que jamais, il faut exiger le partage des richesses, il faut réduire le temps de travail avec maintien du salaire, il faut combattre la précarité et la flexibilité qui touchent en priorité les femmes, se battre pour un emploi qualifié avec égalité de salaires...bref garantir indépendance et autonomie des femmes par l’insertion dans l’emploi.

Partout en Europe et dans le monde, les femmes doivent avoir le droit de disposer de leur corps (contraception, Interruption Volontaire de Grossesse...) Nous ne pouvons rester spectatrices de ce qui se passe dans 6 pays européens : Andorre, Chypre, Irlande, Malte, Pologne, Portugal, où le droit à l’avortement est dénié, c’est pourquoi je vous propose de faire vôtre une pétition que nous avons lancée en France et que vous trouverez traduite en anglais et espagnol.

Nous le vivons quotidiennement, gagner une égalité réelle et non formelle (l’arsenal législatif ne suffit pas) impose de créer un rapport de force qui porte un coup d’arrêt aux politiques ultralibérales mises en œuvre aux quatre coins de la planète.

Mais il s’agit dans le même mouvement de débarrasser les sociétés du patriarcat qui assujettit les femmes, flattant les retours à l’ordre moral, encourageant les intégrismes religieux de tout bord, excusant les violences faites aux femmes.

Ce combat passe par la reconnaissance du rôle des femmes dans la sphère politique, par l’exigence du partage des responsabilités à tous les niveaux des institutions. Il n’est pas facile de renverser l’ordre établi dans un monde où les lois ont été faites par des hommes pour asseoir le pouvoir politique des hommes.

C’est un enjeu démocratique majeur : la conquête du pouvoir, de son partage effectif entre hommes et femmes dans toutes les sphères de la vie ; un pouvoir qui ne soit plus synonyme d’oppression, mais moyen de construire avec les autres. L’humanité est mixte, le(s) pouvoir(s) pas du tout !

En France, il n’y a que 12,3% de femmes à l’Assemblée nationale, mais même si notre pays est en queue de peloton en Europe, les femmes ne participent que fort peu aux exécutifs décisionnels quels qu’ils soient et quel que soit le pays. Pour conclure, être partie prenante des mouvements de résistance à l’échelle nationale, européenne et mondiale, impose d’être présents sur le terrain des droits des femmes, en construisant une alternative politique.

Créer les conditions d’un vaste rassemblement autour de ces questions fondamentales pour l’avenir de la société s’inscrit dans un projet global de remise en cause de toutes les formes d’exploitation et d’aliénation.

Changer de société sans révolutionner ces rapports- là, sans s’attaquer au sexisme porteur d’inégalités, d’injustices, de discriminations, est parfaitement illusoire. Ces batailles ne sont pas annexes pour nous communistes et féministes, elles font partie intégrante de notre projet, de notre visée émancipatrice.

Faire le lien entre lutte contre l’exploitation capitaliste et lutte contre l’oppression de sexe est seul de nature à construire des propositions alternatives.

Mener le combat de la libération des femmes, c’est mener le combat en faveur d’êtres humains libres et égaux, c’est faire vivre le beau mot d’ordre : « un autre monde est possible ! » Nous voulons conjuguer la différence dans l’égalité.

L’expérience que nous avons vécue en France, lors de la victoire de la bataille référendaire, a mis notamment en évidence le besoin de s’organiser politiquement, réduisant le divorce entre les mouvements sociaux et les politiques, avec une place reconnue du Parti Communiste Français.

Oui le mouvement féministe est politique, mais il faut aujourd’hui fédérer les énergies pour libérer les sociétés de l’ultralibéralisme et du patriarcat, afin de construire une Europe sociale, pacifiste, laïque et féministe. D’où les responsabilités qui nous incombent, et le rôle que nous avons à jouer pour y parvenir.

Cette assemblée constitue une étape de notre réflexion, une mise en lumière des convergences que nous avons ici aujourd’hui, des luttes et des propositions de transformation sociale, que nous porterons toutes et tous ensemble au congrès du PGE qui va s’ouvrir demain, pour changer la vie du local au mondial.