23 et 24 septembre 2005

Forum pour un développement durable et solidaire de la planète : Marie-George Buffet

Secrétaire Nationale du PCF

Chers amis, chers camarades,
Voilà déjà plusieurs décennies que la question environnementale a fait irruption dans la société et dans le débat politique. Il faut reconnaître qu’elle n’a pas toujours été considérée comme elle aurait dû l’être, à commencer sans doute par nous-mêmes, ici, au Parti communiste français.

Nous avons longtemps pensé que la question écologique serait réglée presque mécaniquement une fois le capitalisme dépassé, et nous avons considéré cette question comme secondaire. C’est lorsque nous avons compris que l’ensemble des luttes émancipatrices participait de notre combat de libération que nous avons commencé à mieux prendre la mesure des problèmes.
La conscience de la gravité des enjeux progresse aujourd’hui considérablement, mais force est de constater que les réponses apportées peinent à en prendre la mesure. La question est pourtant cruciale tant pour les conditions de vie actuelles des hommes et des femmes que pour l’avenir. Le développement de l’humanité ne peut se concevoir dans la dégradation de son cadre de vie et la destruction de son bien commun : la planète.
Etablir un diagnostic précis est indispensable à la compréhension des mécanismes qui sont à l’œuvre. L’heure est aujourd’hui à la définition des fondements d’une politique écologique qui s’attaque aux racines des problèmes, une politique écologique qui n’utilise pas comme instrument d’action la discrimination sociale mais s’attaque elle aussi à la réduction des inégalités, une politique écologique qui remet en cause l’ordre établi par le marché, le dogme productiviste et la loi de l’argent. Résolument, nous devons réfléchir aux conditions d’une croissance de type nouveau qui place en son sein le développement durable et solidaire, le développement responsable de l’humanité.

Il y a urgence. Pas un jour ne se passe sans que l’on évoque les graves difficultés qui se présentent devant nous, dans les dizaines d’années à venir.
Avec le nouveau choc pétrolier et la perspective d’un épuisement progressif des ressources planétaires, le débat sur la question de l’énergie a pris un tour nouveau. Cela renforce la nécessité de travailler à la fois sur les énergies renouvelables et sur les énergies non-productrices de gaz à effet de serre, de façon à ce qu’elles deviennent propres et durables. Je sais qu’il y a un débat sur le nucléaire -et notamment sur les déchets produits-, en toute transparence et sans anathèmes, menons-le. En tout cas, la perspective d’un épuisement de ces ressources indique que nous sommes au seuil d’un changement de société majeur auquel nous devons nous préparer. Mais on pourrait citer également les dégâts récents dus aux choix d’aménagement du territoire, ou les nombreux problèmes touchant au vivant (OGM, vache folle, grippe aviaire...).
Dans chacun de ces domaines, il ne suffit pas de constater les symptômes et de passer directement à la phase des remèdes. Il faut mettre en lumière les racines du mal et s’y attaquer. Que constate-t-on au cœur de tous ces maux qui mettent en danger l’avenir de la planète et donc de l’humanité ? La mondialisation capitaliste est en train d’étendre un mode développement dont on connaît les conséquences environnementales.

Ainsi, nous savons que le pillage du sous-sol est organisé par des multinationales aux bénéfices mirobolants, et nous savons aussi qu’elles pèsent de tout leur poids contre l’émergence de nouveaux types de véhicules et l’exploitation d’autres sources d’énergie. Nous savons que la spéculation immobilière sauvage menace les équilibres sur le territoire et dégrade le cadre de vie. Nous savons que la recherche est orientée massivement vers l’amélioration de la rentabilité quel que soit le coût environnemental. Nous savons que derrière l’utilisation des OGM se cache la mainmise de grandes multinationales sur l’ensemble du monde agricole. Nous savons que la disparition de services publics, la baisse massive du nombre d’agents de la fonction publique, la réduction des missions de l’Etat réduit massivement les capacités d’intervention positives. Nous savons que les choix opérés prennent favorisent cette course à la rentabilité et l’opacité au lieu de mettre la démocratie au cœur des processus de décision pour que l’humain soit au centre des enjeux.

Refuser de s’en prendre à ce système, c’est renoncer à peser réellement sur le cours des choses. Il faut donc penser ces enjeux comme fondamentaux dans un projet de société et définir des politiques publiques réellement audacieuses.

Tout d’abord, je voudrais poser un préalable. Celui du développement. Nous voulons que l’humanité continue à se développer, à élever son niveau de vie et de bien-être. En un mot à grandir. Et j’ajoute immédiatement que cela n’est pas contradictoire, ou en tout cas, ne doit pas l’être, avec la protection de l’environnement. Fondons la croissance sur de nouveaux objectifs et de nouveaux critères : sociaux, humains, environnementaux. C’est ce que nous appelons le développement durable et solidaire. Il ne sert à rien d’opposer le développement des uns à celui des autres, comme le propose la mondialisation capitaliste, tant sur le plan social et économique qu’environnemental.
Dire tout cela, cela ne traite pas entièrement le problème posé par beaucoup, de la surconsommation et du productivisme. Sur cette question, je crois qu’il faut faire preuve d’un peu de nuance. La surconsommation, y compris dans nos pays dits développés n’est pas le fait de tout le monde, et certainement pas le fait de la majorité. Trop de besoins humains ne sont pas satisfaits pour qu’on pose la question en ces termes. Plus. La qualité des produits doit être accessible à tous, elle doit être une ambition qui touche l’ensemble de la production. Toute politique n’ayant pas en tête cette visée ne sera pas à la hauteur des défis écologiques et aggravera les stigmates d’une société à deux vitesses. En revanche, je crois nécessaire de poser la question de sens qui interroge sur la finalité de la production, sur son utilité, autant que sur son mode et sa qualité.

En réalité, la seule manière de garantir que ce qui se fait respecte l’homme -et donc également la nature-, la seule manière, en fait, de garantir l’intérêt général face aux intérêts particuliers et de court terme, c’est que partout les choix soient maîtrisés par les hommes et les femmes eux-mêmes et ne soient pas confisqués par quelques uns. C’est la démocratie.
Pour ce qui concerne les biens communs de l’humanité correspondant à des besoins fondamentaux des êtres humains, c’est le plus haut niveau de propriété commune qui doit être requis. Pour l’eau, pour l’énergie, ce doivent être des services publics, articulés entre eux qui doivent en assurer une gestion démocratique et permettre à la fois l’accès de tous aux mêmes droits et la préservation maximum de l’avenir. C’est trop important pour qu’on le laisse à la loi des marchands. Je pense également aux transports, nous voyons bien leur caractère stratégique pour le développement durable comme pour le droit fondamental des hommes et des femmes à se déplacer. Mais nous savons que les enjeux environnementaux, comme les enjeux sociaux sont partout. Et c’est pour cela qu’il faut travailler à de nouveaux types d’entreprises, dans lesquelles, les salariés, les usagers, les citoyennes et citoyens, les élus prennent part aux choix essentiels.

En somme, pour faire face, il y a besoin de dépasser le capitalisme, de transformer radicalement l’ordre existant et les rapports sociaux. Il y a urgence à y travailler fermement. Disant cela, je ne repousse pas aux calendes grecques le moment d’apporter les réponses aux défis de la planète. Bien au contraire. Je voudrais situer l’urgence d’engager des processus de transformation sociale audacieux. Et cela ne dispense pas de mener dans les conditions actuelles les combats nécessaires. Les deux sont indissociablement liés. Définir de nouvelles pratiques industrielles, fixer des objectifs écologiques à la production, développer la recherche, fournir un effort inédit pour le ferroutage...

Chers amis, chers camarades,

Ce ne sont pas de petites questions qui nous occupent. C’est simplement la question essentielle que tout homme et toute femme se posent : quelle société, quel monde allons-nous laisser à nos enfants ? Quel avenir préparons-nous ? De plus en plus, ce n’est plus seulement de l’avenir que nous parlons, mais du présent. Il faut apporter les réponses nécessaires, vite et fort. L’aspiration à un développement durable et solidaire, à un développement responsable est grande. Elle doit se traduire concrètement par des actes et des choix politiques.
Je voudrais remercier Alain Hayot et l’ensemble de la commission environnement d’avoir organisé ce forum de réflexion. Je voudrais également remercier tous ceux et celles qui vont y participer.
Je crois que dans cette période intense, nous avons besoin de poursuivre le débat politique de fond, de débattre de l’alternative progressiste qu’il faut opposer à la droite. La gauche se trouve face à des questions cruciales. Elle doit tirer les leçons de ses échecs passés. Elle doit en finir avec la politique du « moindre mal » et la résignation, elle ne doit pas s’accommoder du libéralisme qui peu à peu fabrique une société tribale, où la seule valeur qui pèse est l’argent. Elle doit proposer un vrai changement, ouvrir des horizons, répondre concrètement aux attentes. Ce sont des chemins de courage, qui conduisent à affronter l’adversité. Mais sans doute les seuls possibles, au regard des enjeux et les seuls valables au regard de la dignité humaine. Ce sont ces chemins là qu’il faut emprunter pour construire un co-développement durable et solidaire. La garantie de cette gauche là, c’est que le peuple s’en mêle, c’est que les hommes et les femmes eux-mêmes en soient pleinement les acteurs. La politique n’est pas une affaire de spécialistes ! C’est pour cela que le débat de la gauche doit se faire sur la place publique. Nous avons vu, lors du dernier référendum, combien la dynamique populaire est puissante, combien elle est capable de faire bouger les rapports de force. Cette dynamique qui s’est exprimée, nous pensons qu’elle ne doit pas être sans lendemains, qu’elle doit se traduire au pouvoir dans une nouvelle manière de gouverner, et pour un projet qui change vraiment la vie. Changer la vie, voilà notre seul objectif.
C’est pourquoi, nous avons besoin de parcourir ensemble le champ des défis posés et des réponses à construire. Partout en France se tiennent des forums, des rencontres réunissant largement des hommes et des femmes pour bâtir ensemble un projet qui réponde enfin aux attentes et aux aspirations. Le 26 novembre prochain, nous tiendrons un grand forum national pour faire un point d’étape. Je vous invite à venir y porter votre pierre. Face à la pédagogie du renoncement et aux chantres de la résignation, il y a besoin de créer des espaces pour inventer, espérer, construire. C’est ce que nous nous efforçons de faire, pour que la gauche soit à la hauteur et pour que change vraiment la vie.
Je vous remercie.