Compte rendu

Atelier 3 - Interventions et débats

Villepinte - Le 26 novembre 2005

Environ soixante participants, sous la co-présidence de Nadine Prigent (CGT) et Joëlle Gréder (PCF).

Cette dernière a rappelé l’objectif de la journée : faire le point sur la construction citoyenne d’une alternative à gauche engagée dans les forums dans le domaine, au sens large, de la protection sociale. Domaine dans lequel la gauche a particulièrement déçu au gouvernement et où l’ambition de ne pas refaire ce qui a échoué prend tout son sens.

Catherine Mills (PCF), en introduction au débat, a souligné qu’il s’agissait de construire le système de protection sociale dont le pays a besoin, à l’opposé des réformes ultra-libérales comme celles de Douste-Blazy et de Fillon qu’il faudra abroger.

Elle s’est efforcée de mettre en évidence les convergences et les divergences apparues dans les forums ou qui s’expriment dans la gauche.

Sur les dépenses de santé, elles ne sont pas qu’un coût qu’il faudrait réduire, elles ont un caractère positif comme moteur d’un autre type de développement économique et social. Les dépenses ne peuvent que s’élever avec l’augmentation de la durée de vie, le progrès technique et l’apparition de nouveaux besoins et de nouveaux fléaux.

Procéder à une évaluation citoyenne de ces besoins de santé est décisif. Ainsi, la crise de recrutement provoquée par les numerus clausus impose des recrutements massifs alors que des spécialités sont en voie de disparition. Il manque 9.000 médecins et 40.000 infirmiers par an, conséquence des choix de réduction des dépenses et des numerus clausus. Il convient aussi de réorienter le système de santé vers la prévention, notamment au travail, dans la jeunesse et pour prévenir les risques environnementaux.

Cela implique de construire un système plus pluridisciplinaire avec des liaisons entre soins de ville et hôpitaux. Si le médecin de ville a un rôle de pivot, il ne peut le jouer qu’en lien avec l’hôpital. On peut se fixer l’objectif d’aller vers la gratuité du système de santé, comme dans certains pays scandinaves, la gratuité n’étant pas forcément un facteur de dépenses dans un système conçu sur d’autres bases, notamment impliquant un contrôle public et social de l’industrie pharmaceutique qui pilote une part énorme des dépenses. Impliquant aussi une profonde réforme hospitalière de défense et de promotion de son statut public. Les hôpitaux ne peuvent pas être gérés comme des entreprises privées et la santé ne peut être considérée comme une marchandise.

Rien ne bougera vraiment sans une démocratie sanitaire et sociale, à l’opposé de la gouvernance Douste-Blazy. Démocratie dont un des volets serait les élections à la proportionnelle à la Sécurité sociale.

Le financement. Il y a débat sur le financement par la CSG ou la cotisation. Le PCF défend le principe des cotisations sociales liées à l’entreprise, lieu de création des richesses et reposant sur les capacités créatives des salariés, leur développement pour plus de valeur ajoutée.

La CSG est un impôt décidé par l’Etat pour rationner les dépenses, à l’abri de l’intervention de tous les intéressés. Elle porte sur le revenu des ménages, pas sur la racine de la production de richesses. Elle n’a pas réglé le problème du financement avec 88 % qui proviennent des ménages et 11 % des revenus financiers.

On ne peut accepter que les revenus financiers des entreprises (80 milliards d’euros) ne soient pas soumis à cotisation et soient utilisés pour spéculer.

Nous préconisons une cotisation nouvelle sur ces revenus financiers au même taux que celle sur les salaires. Le financement de la protection sociale n’est pas un « boulet qui augmenterait le coût du travail ». Il participe, au contraire, au développement du marché intérieur et aux capacités productives des salariés.

Il y a débat sur la réforme de l’assiette des cotisations patronales. A gauche, il y a ceux qui nient la réalité du déficit de la Sécurité sociale dû au chômage, à la précarité, aux bas salaires... Cela conduit, pour l’essentiel, à devoir relever la part des salaires dans la valeur ajoutée et donc à s’attaquer au type de gestion des entreprises et au capital.

Une autre conception, à droite et aussi à gauche, vise à limiter les dépenses pour limiter les recettes. C’est la politique de l’Union européenne.

Il faut s’attaquer aux effets pervers qui pénalisent les entreprises qui embauchent, forment et payent mieux leurs salariés. Au contraire, il faut les stimuler et pénaliser celles qui privilégient la rentabilité financière

Attention, si l’on prend pour assiette la seule valeur ajoutée, elle est fluctuante et facile à détourner. Ce n’est pas la cas du rapport des salaires dans la valeur ajoutée qui renvoie à la racine salaires/profits.

Propositions immédiates

-  revenir sur les exonérations de cotisations patronales (20 milliards d’euros) ;
-  récupérer les dettes patronales et celles de l’Etat ;
-  réformer le financement de l’hôpital ;
-  sortir du pacte de stabilité et remettre en cause les logiques de la Banque européenne ;
-  créer un nouveau type de crédit.

Tout cela s’inscrit dans un nouveau projet de société qui donne du sens à chaque mesure. C’est un processus pour sortir de l’insécurité sociale en misant sur l’emploi, la formation et les rémunérations car l’emploi est au centre de la crise du financement de la protection sociale. Il est aussi la première protection sociale. La discussion

Aldino IZZI, des Mutuelles de France

On ne peut se contenter de dire que l’augmentation des dépenses est inéluctable, il faut aussi les réguler. Le concept de gratuité pose problème : que deviennent les mutuelles qui, aujourd’hui, sont complémentaires de la Sécurité sociale ?

D’accord pour une prise en charge de l’ensemble des dépenses qui implique de revenir sur toutes les franchises, notamment celles introduites par Douste-Blazy. D’accord pour partir de l’évaluation citoyenne des besoins, chiffrer les dépenses et en déduire les modes de financement. D’accord pour renforcer le volet prévention. Il faut aussi prendre en compte ce que font les collectivités territoriales et créer un pôle public du médicament. Ne pas sous-estimer les accidents médicamenteux.

Une remise à plat des relations médecins / Sécu s’impose avec une nouvelle manière de concevoir le rôle et la rémunération des médecins libéraux. Certaines prestations - dentaire, lunetterie - sont bloquées depuis 1980. Il faut revoir la nomenclature de la Sécu. Bien distinguer les mutuelles et les assurances lucratives.

Ladislas POLSKI (MRC)

Quelle place de la santé dans la société ?

Pour les libéraux, il s’agit de réduire les dépenses et d’économiser sur la santé.

Le MRC milite pour une CSG plus juste, pour une assiette reposant sur la valeur ajoutée et pour mettre l’industrie pharmaceutique à contribution.

On peut faire aussi des économies : médicaments génériques, coordination des soins en réseaux, rationalisation de l’architecture du système qui doit reposer sur le pilier médecin de ville et sur le pilier hôpital, avec un fort volet de recherche publique.

A la prise en compte des inégalités sociales s’ajoute celle des inégalités territoriales de plus en plus fortes.

Alors que le libéralisme augmente les participations individuelles de financement, il faut, au contraire, augmenter son financement collectif. Ni la tarification à l’acte, ni l’enveloppe globale ne sont satisfaisantes.

La santé est affaire de politique et de démocratie, avec un renforcement du rôle du Parlement. Démocratie citoyenne, indispensable pour traiter, aussi, de la bioéthique.

Bernard LAMIRAND, Institut d’Histoire de la CGT

Bien prendre en compte les nouveaux besoins qui découlent notamment du vieillissement de la population.

Le débat sur le financement existe depuis la création de la Sécu. A l’époque, Ambroise Croizat s’était opposé à un financement fiscalisé et à l’étatisation. Il s’était battu - et l’avait emporté - pour la cotisation du salarié et de l’entreprise.

Ce débat persiste aujourd’hui entre ceux qui veulent faire disparaître la cotisation de l’entreprise au profit de la fiscalisation.

La cotisation, dans un groupe comme Total, représente peu de choses par rapport aux profits réalisés. Il faut aller à une modulation de cette cotisation qui stimule l’emploi et la formation et pénalise la spéculation. On ne peut rien résoudre sans s’attaquer au capital.

Jeanine GERBET (PCF 21, syndicaliste)

La Sécu ne joue plus son rôle. Le chômage, la précarité, les bas salaires, les exonérations, tout cela grève les recettes. Or, les réformes de la droite et du MEDEF aggravent tout.

Lucette GUIBERT (Etats généraux de la Santé, UFAL)

Il est plus difficile de rassembler aujourd’hui pour dire « oui » que le 29 mai pour dire « non ». Il faut élargir le mouvement et l’unifier. Est d’accord sur les propositions de financement et sur la nécessité de nous inscrire dans un projet de société. Il a à voir avec le social et avec la laïcité : ne pas mélanger les investissements privés et publics. Un important champ public est indispensable.

Jérôme GUEDJ (PS, Vice-président du Conseil général de l’Essonne)

Il faut rassembler toutes les forces de gauche sur un contrat de gouvernement alternatif au libéralisme.

La protection sociale est constitutive du pacte républicain méthodiquement remis en cause par les libéraux. L’argent de la protection sociale doit échapper à la marchandisation qui l’appauvrit.

Ne restons pas sur des positions figées. Il faut s’adapter et réformer. Ainsi la jeunesse, de plus en plus précarisée, a besoin d’une allocation d’autonomie. Alors qu’avant, l’entrée dans le marché du travail sécurisait, aujourd’hui c’est le contraire.

De même, la perte d’autonomie des personnes âgées crée d’énormes besoins nouveaux. Il faut adopter le principe d’égalité, pas celui d’équité. Egalité : même accès pour tous. Equité : concentrer sur ceux qui ont le plus besoin, en créant un système à plusieurs vitesses.

Opposé aux allocations familiales sous condition de revenu au nom de l’équité.

Besoin de service public, d’une socialisation des dépenses et des actes pour la médecine libérale ; d’une socialisation des profits de l’industrie pharmaceutique.

Il faut changer le mode de rémunération des médecins libéraux : plus à l’acte mais au rôle.

Empêcher la marchandisation de la médicalisation de la petite enfance. D’accord avec la gestion paritaire des organismes, la contribution des revenus financiers et sur une meilleure répartition entre profits et salaires dans la valeur ajoutée.

Anna SCHERMAN (médecin, Marseille)

Le rôle de la prévention est important. A l’école comme au travail, il est très insuffisant.

L’industrie pharmaceutique pèse trop sur la prévention. L’Education nationale a un rôle décisif à jouer en matière de prévention et il faut agir préventivement pour les personnes âgées aussi.

Le système de santé est devenu très inégalitaire. Il faut donc trouver des chemins nouveaux. La loi Kouchner a donné des droits aux usagers. Il faut aller bien au delà, par exemple dans le domaine de l’éducation à la santé qui est absente.

La recherche fondamentale en médecine est indispensable. Elle ne doit pas être pilotée par le médicament.

Gérard GOURGUECHON (Sud)

Ne parlons pas de gratuité : « ce sont nos sous qui payent ». D’accord pour une définition collective des besoins et le caractère universel de la gestion.

Le financement collectif ne doit pas être la vache à lait de l’industrie pharmaceutique et de ses actionnaires. Quelle régulation des coûts ? Quelle juste rémunération des professions libérales ?

D’accord pour qu’à terme il y ait une prise en charge à 100 % par un financement collectif obligatoire, impliquant la contribution de tous les revenus et donc pas seulement des salaires.

Il faudra aller au-delà de la masse salariale et donc concevoir une part de fiscalisation. Aller vers une socialisation des salaires, des revenus, du capital avec extension des champs d’intervention des services publics.

Jean-Luc GIBELIN (PCF, CGT)

L’augmentation des dépenses de santé est normale. Refuser de se laisser culpabiliser par la « réduction des dépenses ». D’accord sur les propositions de financement. Le moteur de tout, c’est l’extension de la démocratie. Quel contrôle démocratique ? Quel niveau d’exercice ? Quelle dimension géographique pour définir les besoins et les priorités dans les réponses ?

Aujourd’hui, il n’y a pas d’endroit pour les usagers. Définir ce que nous voulons, plus important que la seule abrogation de ce qu’a fait la droite. L’abrogation du plan Juppé n’a rien réglé ! La démocratie doit entrer à l’hôpital alors qu’elle a reculé, notamment avec les pouvoirs des directeurs d’agences régionales.

Victoria SANTIAGO (PCF 58, CGT)

Combattre la marchandisation de la santé. On ne peut financer la protection sociale si le but de la société est le profit et la rentabilité financière. La transformation sociale s’impose.

Jean-Louis KUBIACK (Bas Rhin)

La santé et la protection sociale sont des biens publics qui ne supportent pas une « réforme tous les dix-huit mois ». Une part de fiscalisation nécessaire tant que le chômage n’est pas éradiqué.

Georges LAFOSSE (PCF 18)

Les zones rurales voient disparaître la médecine. Il faut donc favoriser l’implantation de médecins à la campagne et stopper la privatisation des soins qui s’y opère. Des cliniques privées s’y créent avec des financements publics.

Prendre en considération le niveau particulièrement faible des ressources des habitants des campagnes. Petits salaires, petites retraites, facteurs de forte angoisse sur la santé.

Il y a un fort besoin de rééquilibrer le système en faveur de la prévention avec une éducation à la santé pour tous, permanente, à l’école et dans les entreprises.

Janine LATESTE (retraitée, PCF)

Insiste sur les discriminations en matière de santé à l’égard des pauvres et sur le coût insupportable des lunettes et des soins dentaires.

Arlette HENIN (salariée de la Sécurité sociale)

La médecine à deux vitesses est là sur des critères sociaux et géographiques. Les dépassements pour des soins courants se multiplient.

Nous préparons les échéances de 2007 et 2008 en faisant prendre conscience de la gravité de la situation actuelle. Tout pousse les gens vers l’assurance privée. En janvier, ce sont les arrêts de travail qui seront dans le collimateur. Les agents de la Sécu ne sont pas informés.

Joëlle GREDER (PCF)

L’heure est effectivement grave. Si rien ne change, il ne restera qu’une « petite Sécu » pour les pauvres, tout le reste étant pris par les assurances privées.

Grosse campagne de culpabilisation des assurés et des personnels de santé alors que les responsables sont au pouvoir et au MEDEF.

Met en parallèle la souffrance des hospitaliers au travail et l’ampleur des profits des entreprises pharmaceutiques.

Le déficit est dû aux bas salaires, à la précarité et au chômage. Nous devons mener campagne sur les vrais responsables.

Doit-il y avoir une relation entre la santé et l’argent ? Est pour un accès à la santé gratuit pour tous. La CMU divise et discrimine. La réponse n’est pas dans des dispositions spécifiques pour les pauvres mais bien dans un accès pour tous.

Il faut élever le niveau de la prise en charge par la Sécu et confier aux Mutuelles un rôle nouveau, notamment s’agissant de la gestion des centres de santé. Il y a un besoin de reconquête du service public, autrement, c’est le privé qui prend le dessus.

Les médicaments ne sont pas des marchandises comme les autres et les brevets devraient être une propriété de l’humanité.

Pour rassembler majoritairement, il convient de placer la barre haut et donc de s’attaquer enfin aux profits pour une logique de réponse aux besoins, dans leur évolution. Cela implique des choix pour l’emploi, les salaires, la formation et une autre répartition des cotisations.

Nadine PRIGENT (CGT)

La santé est un droit fondamental et la place du travail est décisive pour que ce droit s’exerce.

Le droit à la santé dépend donc du travail, de sa qualité comme de sa quantité. Le système a été construit avec le plein emploi. Aujourd’hui, il vit avec le chômage durable et de masse.

Qui élabore la politique de santé ? La question du niveau de démocratie est capitale. Tout le contraire des agences régionales hospitalières qui ont un droit de vie et de mort sur les établissements et les services. Pas étonnant que le mandarinat revienne en force. La démocratie a reculé à l’hôpital et les médecins en prennent conscience.

Alors que les professionnels avaient été gagnés à l’idée des « indispensables économies », aujourd’hui, ils mesurent mieux que cela conduit l’hôpital dans le mur.

Les services publics et les cliniques privées sont asphyxiées. Les luttes obtiennent des résultats, comme à Saint-Gaudens où le choix du public l’a emporté sur celui du privé.

Les questions de l’emploi et de la formation dans la santé sont très importantes. On ne doit pas se laisser influencer par l’argument démographique. Un effort particulier doit être fait en faveur des étudiants en formation.

Isabelle LORAND (PCF)

La gabegie dans la santé, c’est le coût du libéralisme ! Ne pas se laisser enfermer dans le débat sur les économies.

Est plutôt favorable au maintien d’un système mixte (libéral et public) plutôt qu’à la nationalisation. A condition que la logique d’ensemble soit clairement d’intérêt général. Ce qui suppose un pôle public fort, apte à soigner toutes les pathologies.

Le secteur privé entre dans un cadre conventionnel, de contrat avec la Sécu, garantissant l’accès pour tous.

La pénurie de personnels à l’hôpital est la conséquence des choix d’austérité de 1985.

Il faut réorienter vers les soins des moyens qui participent à une surcharge bureaucratique. Le besoin est grand de former des secrétaires, des brancardiers, des plombiers...

Il faut rendre possible les promotions dans un système bloqué où l’ascenseur social n’existe pas. On reste brancardier sans possibilité de devenir soignant.

Les personnels hospitaliers sont touchés par la pénurie de logements sociaux. Certains sont SDF.

La défense des hôpitaux de proximité est indispensable. Il est faux de prétendre que la qualité dépend du nombre d’actes. Il y a un effet de seuil qui conduit à ce que trop d’actes conduit à une perte de qualité. L’hospitalisation à domicile doit être développée. Elle est très efficace pour un coût réduit.

Les centres de santé de haut niveau ont un rôle de pivot à jouer dans la constitution de réseaux de soins.

Daniel THOMBRAU (Gard)

Insiste sur le volet santé au travail, avec l’exigence de droits nouveaux par les syndicats et les CHSCT.

Une auxiliaire de vie à Quillan ( Aude)

La formation des soignants leur coûte très cher. La médecine du travail se réduit comme peau de chagrin. Les zones rurales deviennent des déserts en matière de santé.

Catherine MILLS (PCF)

Se félicite de l’importance des points d’accord sur lesquels elle propose de capitaliser. Ce socle permet de régulariser un système qui met en évidence des points forts et de grandes faiblesses.

Il y a besoin de le coordonner en faisant entrer la démocratie à tous les niveaux. Il s’agit de faire prévaloir une logique de solidarité contre une logique de rentabilité du capital. Cette logique est un choix de société, source d’efficacité sociale, environnementale et économique.