Parti communiste français

Vers une nouvelle identité

Stéphane Coloneaux, dirigeant national du PCF
Président du Comité Métis’, association de réflexions et d’actions autour de la notion de Métissage

Stéphane Coloneaux, dirigeant national du PCF
Président du Comité Métis’, association de réflexions et d’actions autour de la notion de Métissage

L’explosion des moyens de communication et d’information a profondément bouleversé les identités nationales. Le vide identitaire créé par la mondialisation culturelle, la construction européenne sinon le capitalisme mondialisé débouche sur une quête de l’identité.

Cette manifestation est renforcée par la perte d’appartenir socialement à l’institution, la précarité, l’isolement conduit au rejet de ces nouveaux contours et fait regretter les valeurs anciennes, le pays d’hantant. En France, malgré l’héritage des Lumières, cela s’accentue par un passé colonial mal assumé, des politiques d’immigrations décevantes et stigmatisant l’étranger. Le racisme resurgit pour désigner un coupable à la perte de valeurs et à l’échec social.

En mettant en avant l’intégration républicaine et l’universalisme, les politiques de luttes contre le racisme (toutes) ne répondent pas à la question de l’identité posée par le peuple de France.

Ceux qui conçoivent la laïcité, la tolérance et la solidarité comme « des remparts au communautarisme » sont pris dans l’étau de l’universalisme uniformisant et du communautarisme.
Les valeurs citées telles des répliques sont vécues comme s’imposant aux individus venant clore toutes velléités de revendications pouvant, certes, révéler un processus communautaire mais dans le même mouvement balaye la reconnaissance d’un malaise. Ces affirmations se solubilisent dans le consensus étatique, mêlant conservatisme, républicanisme et mondialisme, donnant l’image d’antiracistes s’intégrant dans un mécanisme institutionnel dominant.
Comme d’autres le PCF est perçu comme n’offrant aucunes perspectives, pire, comme abandonnant un discours en faveur des plus exploités. Il ne s’agit pas d’évacuer les valeurs universelles, encore moins la laïcité, mais d’en redéfinir avec le peuple, dans sa diversité, les contenants, les contenus afin de redéfinir l’identité française autour d’un socle partagé et élaboré par lui.

L’actualité vient d’en faire résonner l’utilité, l’urgence pour le mouvement communiste est de débattre de ces questions, d’en connaître les contours, d’approfondir et de valider des orientations.

Il faut une nouvelle perspective en terme de citoyenneté et d’identité.

Dès lors, le rôle des institutions, des politiques, est de réenclencher un rapport à la culture française, se concevoir comme peuple, particulièrement dans l’élaboration d’un projet de transformation sociale.

Le Parti Communiste Français s’est historiquement inscrit dans la contestation du modèle social du capitalisme, et dans le même mouvement, la conscientisation du rapport de classe. L’incapacité à analyser les conséquences des dominations séculaires restreint l’interprétation des nouveaux « damnés de la terre ».
Pour désenclaver « désencailler » la question des identités, particulièrement en France, il faut repenser le monde à la lumière de ce rapport de domination sans précédent dans l’histoire de l’humanité, mais aussi à partir de cette domination repenser les rapports entre les identités sans utopie, pensée et codifiée, mais avec utopies avec un « s » comme le suggère Edouard Glissant.

Clarifions d’abord une question de vocabulaire. Le Parti communiste, a définit la région Ile de France comme étant multiculturelle, composée de plusieurs cultures. Dès lors qu’il s’agit d’une affirmation politique, on glisse vers le multiculturalisme. Or le multiculturalisme c’est l’organisation par l’Etat ou l’institution de la cohabitation de plusieurs cultures ou communautés. La variable se situe entre la reconnaissance d’un état de fait et l’organisation de cet état de fait. La même chose existe entre communautés et communautarisme.
De plus, nous serions bien en peine de dénombrer, dénommer les différentes cultures tant le caractère du mode de peuplement s’est complexifié par la rencontre de ces communautés. C’est pourquoi, je n’entends pas définir le peuple français autour du vocable multiculturel, terme utilisé dans les pays anglo-saxons.
Enfin l’apparition du marketing ethnique, de médias communautaires s’adressant quasi exclusivement aux communautés conscientise, chaque jour un peu plus, un sentiment minoritaire. Le débat sur les quotas, en 1998, a soulevé un tollé de protestation pour autant il a mis en lumière la question de la non-représentativité du peuple français dans le paysage audiovisuel.

Comment reconnaître la diversité, sans pour autant institutionnaliser le communautarisme ?

L’enjeu est de faire émerger les individus et leur contribution à l’humanité.

Il s’agit de définir dans un même espace des repères permettant à chacun de se construire, socialement et culturellement qui s’inscrivent dans des valeurs démocratiques. Cependant la nouveauté réside dans l’appropriation d’une identité en mouvement que le peuple est appelé à fonder dans la reconnaissance et la connaissance de l’autre. Il doit pouvoir s’inscrire dans un nouveau contrat social, imaginé par le peuple et pour le peuple. Nous avons besoins d’identifier la diversité de la population française, les différents apports et convenir de sa complexité, pérenniser son mouvement tout en garantissant à chaque individu la jouissance de sa citoyenneté et son apport au collectif humain. Cette diversité, ce mouvement, ce partage, cette rencontre, nous sommes de plus en plus nombreux à l’identifier par la notion de métissage. Cette mise en commun de la diversité, puisque je le pense, donne du corps à cet idéal que l’on nomme communisme.
Le métissage ne se découpe pas. On en apprécie les contours, on en reconnaît les sons, on palabre sur le cheminement pris par sa création, ce qui le rend original. Véritable contribution au collectif, nous sommes tous enclin à se l’approprier. Fonder les rapports humains sur une reconnaissance mutuelle des identités et des histoires individuelles et collectives, est fondamentale pour élaborer, ensemble, un avenir où chacun devient indispensable. Il faut rompre avec les schémas préconçus. Nous avons besoins de concevoir, de vivre la découverte, le partage, l’inattendu comme pensée de la société française. Il s’agit de rencontre, le métissage nous invite à repenser la manière dont nous l’appréhendons.

Le métissage est une manière d’être et de vivre.

Penser la France comme peuple de l’altérité nous concède la promotion d’une création originale sans primat civilisationnel. Affirmer que la société française est métissée permet d’identifier au sens de clarifier une France en mouvement, en transformation, sans en nier les valeurs. Vivre dans une France métissée, ce n’est pas penser la France dans le monde mais la France comme un monde.