« Vous avez pris la parole, gardez-la ! »

Redonner toute sa place à la prise de parole démocratique.

Par Patrice Leclerc, conseiller général des Hauts-de-Seine.

Depuis trois ou quatre jours maintenant, les élus de Gennevilliers, le maire en tête, et des citoyens font tous les soirs, toute la nuit le tour de la ville pour dialoguer avec les jeunes, empêcher l’irréparable. Pour l’instant, c’est moins grave à Gennevilliers qu’ailleurs, mais l’inquiétude est là. Que va-t-il se passer ?

Les voitures brûlées, les violences sont d’autant moins acceptables qu’elles divisent celles et ceux, jeunes et moins jeunes, qui auraient besoin d’agir ensemble pour changer la vie. Les couches populaires trinquent deux fois en subissant la politique de la droite avec le chômage et la pauvreté, mais aussi en subissant les conséquences des violences urbaines, les voitures difficilement payées qui partent en fumée.

Un cycle guerrier répression-violence qu’a allumé le pyromane Sarkozy est dangereux. Tout le monde peut y perdre, sauf les fascistes. Ne pas accepter que les voitures brûlent dans les quartiers populaires ne doit pas empêcher de comprendre ce qui se passe pour vraiment s’attaquer aux racines du mal. Faire en sorte que l’on ne vive pas des cycles de violences-répression - répression-violences. Que la haine du flic ne s’alimente pas de la haine de l’Arabe et du jeune et vice versa. La racine du mal, c’est la mal-vie, une société qui sacrifie une génération, qui dit à des jeunes qu’ils n’ont pas d’avenir, qu’ils n’ont plus rien à perdre. C’est une société où faire parler de soi passe par la violence et non par le discours, l’intervention citoyenne. Une société où la politique et l’action sociale sont disqualifiées par un gouvernement de droite qui ne tient pas compte des résultats des urnes, ne cède pas aux manifestations, aux grèves, à la contestation démocratique.

L’enjeu reste là. Faire en sorte que les « violences urbaines », qui sont l’expression d’un mal-être, d’une revendication sociale, s’exprime démocratiquement et non par une impasse dangereuse pour tous. Une présence de terrain des élus, de citoyens, de responsables associatifs, comme cela se fait ici, pour dialoguer avec ces jeunes, empêcher la confrontation entre jeunesse et police, empêcher les tentatives d’incendie, est indispensable. Mais cela a les limites de la situation nationale.

Ne faudrait-il pas que, nationalement, ce soit la prise de parole démocratique qui soit favorisée plutôt que la violence ? Le gouvernement ne pourrait-il pas proposer aux médias dans leur ensemble (avec toutes les précautions nécessaires pour que cela ne soit pas une remise en question de la liberté de la presse, mais bien une proposition) d’engager un moratoire sur l’information sur les violences urbaines. Arrêtons d’en parler pour que ce ne soit pas cela qui domine l’actualité et favorise le développement du phénomène, et donnons la parole aux jeunes des cités, aux précaires, pour qu’ils exposent leurs revendications, leurs exigences. En un mot, la société ne pourrait-elle pas, ainsi, faire preuve de respect de la parole des jeunes en mal-être et valoriser l’intervention sociale ? Ne pourrait-on pas faire la démonstration qu’un jeune de banlieue, pour être entendu, ne compte pas seulement pour ses actes extrêmes, mais pour ce qu’il est, ce qu’il dit. Dans ce cadre, Nicolas Sarkozy, qui a allumé le feu, qui a engagé une épreuve guerrière et méprisante en direction des quartiers populaires, doit démissionner.

Revenir sur les enjeux sociaux - emploi, logement, formation, lutte contre les discriminations - est essentiel. Certains parlent de problème d’intégration. C’est se tromper d’analyse. Ce ne sont pas des immigrés qui cassent des voitures, ni des sans-papiers, mais des petits Français, « bien de chez nous, nés en France », dont justement le problème est de n’avoir comme seul horizon que la périphérie de leur quartier !

Quelle autre solution progressiste que de politiser le problème ? D’essayer de partir du refus du cercle vicieux de la violence pour s’engager dans une confrontation sociale et politique ? Faire en sorte que le mouvement social et politique à gauche porte des revendications qui intéressent les jeunes, exige des solutions immédiates, cherche à recréer un front de classe. C’est la banlieue qui se déchire devant un Neuilly paisible ! C’est une droite et un patronat qui avancent leurs projets de déstructuration sociale devant des couches populaires divisées, sans perspectives. Plutôt que de savoir si c’est Strauss-Kahn qui est mieux placé que Hollande ou Fabius, ou si Bové va conduire une liste alternative à la place de Besancenot, ne faudrait-il pas mieux élaborer des contenus politiques, faire des propositions pour répondre aux enjeux de société soulevés par « ces violences urbaines ».

Par Patrice Leclerc, conseiller général des Hauts-de-Seine.

« Vous avez pris la parole, gardez-la ! »