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Contribution

Sur le projet de loi CESEDA - Analyse et propositions alternatives

Serge Guichard - Note au Comité Exécutif du PCF

Code d’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile

Note rédigée avec Moustapha Gueye et Fernanda Marrucchelli

Le nouveau projet de réforme du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, dit loi CESEDA, confirme le saut inquiétant dans la manière dont la droite entend organiser les rapports sociaux dans notre pays.

Non seulement ce texte codifie la précarisation massive de femmes et d’hommes, mais il les désigne comme jetables, superflus. Des hommes et femmes à qui la qualité de citoyen est déniée au point de ne les considérer qu’en terme de rapport économiques, de catégories exploitables à merci.

De façon générale, la droite prétend substituer à ce qu’elle appelle une "immigration subie" une immigration dite "choisie".
Ces qualificatifs sont honteux, stigmatisants, d’essence xénophobe, colonialiste. Honteux vis à vis de tous ces migrants désignés comme intrus, à qui la France doit pourtant beaucoup, quels que soient leurs métiers. Honteux vis à vis de celles et ceux qui entreront dans les quotas définis, les "choisis", leurs propres compétences ne leur seront reconnues que pendant la durée du contrat de travail, dans le temps utile à l’économie...

Cette définition d’immigration "choisie" repose sur des mensonges, sur une véritable une hypocrisie d’état. Ce n’est pas seulement une remise en cause supplémentaire. L’esprit de la loi porte atteinte à toute notion de société solidaire, fraternelle, de coopération et de respect.. Les valeurs de la République sont méprisées.Cette loi va fabriquer des sans papiers.

Ils visent à produire ce que nous appelons l’immigration jetable.

Regroupement familial

Chacun doit savoir, statistiques officielles à l’appui, que, ces dernières années, l’essentiel des « nouvelles entrées » sont dues au regroupement familial. 79% des entrées en 2004 selon l’INSEE.
C’est donc d’abord le droit au regroupement familial qui est mis en cause...Ils veulent restreindre, de manière drastique, le droit au séjour pour les familles, les conjoints, les enfants, de toutes celles et ceux qui construisent leur vie en France .
Des enfants, des jeunes, des hommes et femmes qui veulent tout simplement vivre en famille vont devenir personna-non grata en France au nom de l’immigration subie ! Si ce projet est adopté, il ne fera pas bon s’aimer entre Français-e-s et étranger-e-s, vouloir vivre avec sa famille ou avoir des enfants.

Durant les quatres premières années de mariage un(e) époux(se) pourra être expulsé ( Art 131).

C’est ainsi que les parents migrants seront, à priori, soupçonnés de paternité de complaisance, que les mariages seront soumis à suspicion généralisée...Le soupçon de paternité frauduleuse est étendu et devient un à-priori ( art 62 ).

Le certificat d’hébergement, déjà inadmissible en soit, sera en plus soumis à "appréciation" du maire ( Art 321 ) .

Un "engagement républicain" "personnel"sera exigé ( Art 313, 314, 317, 411 )

Pour avoir la carte de séjour"vie privée et familiale il faudra non seulement justifier de liens personnels et familiaux mais ceux ci devront être "durables, stables et intenses" ( Art 26 ) Qui jugera de l’intensité et comment ? Voila le genre de promesse d’arbitraire dont fourmille le projet.

L’obtention d’un titre de séjours va devenir particulièrement difficile. Ils entérinent la quasi-disparition de la carte de résident.

La multiplication sans fin des conditions rendra l’espoir de la régularisation bien vain.

Ajoutons les articles qui rendent très difficile la naturalisation. Les mêmes conditions sélectives y sont répercutées.

Le Contrat d’Intégration.

Il devient, ce qu’on pouvait craindre, un contrat de mise sous surveillance, de suspicion de précarisation. L’"engagement républicain" est la pierre angulaire de ce contrat de ses conditions et de ses objectfs, de l’évaluation.
Ce sera un élément important du tri de l’immigration "choisie" de sa mise en conditions, sous surveillance. Il sera posssible de s’en servir comme d’une épée de Damoclès, au dessus du migrant rappelé ainsi au devoir de se tenir à carreau....

L’article de la loi précédente, article 26, qui permettait de régulariser une personne ayant 15 années de présence en France est abrogé.
En conséquence les sans papiers le seront à vie. C’est à dire exploitables à merci, terrorisés par l’état qui fera peser une menace permanente d’expulsion.

Quant aux travailleurs, aux salariès, les conditions posées pour l’octroi de la carte de résident vont avoir le même effet.
Les cartes de travail vont devenir particulièrement précaires, en fait c’est le patronat qui en décidera ( Art 313 ).
Le licenciement vaudra perte de carte de séjour. Que va-t-il advenir ?

Autre exemple, on veut supprimer la possibilité d’avoir une carte de travailleur temporaire si la demande ne s’en fait pas depuis le pays d’origine ? Que vont devenir les travailleurs saisonniers qui vivent en France ?

Toute la logique du projet est celle d’une immigration jetable, c’est une fabrique à sans papiers.

Titres de séjours de travailleurs prévus...

- Travailleurs temporaire :
L’employeur qui n’a pas réussi à pourvoir une offre dûment communiquée aux services compétents dans un délai de 3 mois, pourra faire venir de droit un étranger dans ce cadre. Cette carte deviendrait la norme, à la différence de la carte « classique » mention « salarié » qui serait elle destinée à des étrangers déjà sur place.La reprise officielle de l’immigration de travail, ainsi définie, suppose l’éviction de l’article R. 341- 4 du Code du travail.
Le travailleur temporaire va se trouver dans une situation de subordination extrême à l’égard de son employeur qui, outre la pression inhérente à toute relation de travail, aura le pouvoir de décider de son maintien sur le sol français. En effet, si le contrat de travail est rompu, alors la carte de séjour est d’emblée retirée ;

- Salariés : titre d’une durée de 18 mois au lieu de un an, la « situation de l’emploi » lui étant opposable. Compte tenu de l’évolution de la carte « travailleur temporaire » (ci-dessus), ce titre pourrait devenir assez rare ;

- Travailleurs saisonniers : pour ces travailleurs dotés de CDD (emploi saisonnier tel qu’il est défini par ce Code du travail), la réforme propose une condition qui jusqu’alors n’existait pas, à savoir une résidence habituelle hors de France. Le titre de séjour est délivré pour une période de trois ans et permet à son titulaire d’exercer des travaux saisonniers n’excédant pas six mois sur douze. L’allongement de la durée du titre ( actuellement le droit au séjour et au travail sont fixés à six mois, avec une prolongation possible de deux mois) permettrait aux employeurs de compter sur un volet de travailleurs saisonniers sur une période plus longue. La nouvelle obligation de résider hors de France pendant six mois au moins peut condamner des saisonniers à être dépourvus de protection la moitié de l’année où il lui est strictement interdit de travailler. En effet, le critère de territorialité joue un rôle majeur en matière de protection sociale ; or on exige du salarié qu’il ait formellement établi sa résidence habituelle hors de France ;

- Détachés internes : ces salariés bénéficieront d’un titre d’une durée de validité de trois ans, renouvelable, durée pendant laquelle ils pourront travailler en France dix-huit mois au maximum. Ce statut facilitera le détachement à l’intérieur d’une même entreprise, dans la mesure ou celle ci comporte des établissements situés en dehors du territoire français, ou à l’intérieur d’un même groupe, comportant des entreprises de nationalité différente. Ce statut est donc destiné à des personnes travaillant - et résidant habituellement - hors de France et qui viennent dans le cadre d’un détachement travailler, pendant un temps déterminé, pour un établissement ou une entreprise situé en France. L’opposabilité de la situation de l’emploi n’est pas applicable.

- « Capacités et talents » : cette nouvelle carte de séjour, de trois ans renouvelables, se veut attractive. Elle permettra d’exercer toute activité professionnelle et de faire venir librement sa famille (conjoint et enfants nés du mariage) en dehors de la contrainte du regroupement familial. Les membres de la famille recevront un titre « capacités et talents », quand d’autres ne se voient délivrés qu’un titre temporaire d’un an soumis à condition quant à son renouvellement. Ce statut est manifestement fait sur mesure pour attirer ceux dont la présence en France est particulièrement souhaitée en raison de leur aptitude à participer de façon significative et durable au développement de l’économie française ou au rayonnement de la France dans le monde ou - accessoirement - au développement de son propre pays. « Nul ne peut obtenir la carte... s’il n’a été choisi par l’autorité administrative compétente ».

- Professions soumises à autorisation : il s’agit des professions libérales ou indépendantes. Les pouvoirs publics, par ce statut, entendent mieux contrôler l’exercice de ces professions et récupérer ainsi une partie de celles qui se trouvaient sous le statut curieux de « visiteur ». La carte, valable dix-huit mois, devrait porter comme mention la profession exercée. Comme pour la carte « salarié » et celle de « commerçant » ou « artisan », le renouvellement est possible pour une durée supérieure à un an et ne pouvant excéder quatre ans, mais il est soumis à certaines conditions, à savoir la qualification professionnelle, le niveau d’études au moins équivalent à la licence, et l’activité professionnelle.

- Professions commerciales, artisanales, industrielles : relevant des dispositions du Code de commerce. Hormis la durée de validité de la carte portée à dix-huit mois, il n’est à noter aucun changement par rapport à la situation actuelle. Sa délivrance suppose d’avoir vérifié notamment l’inscription de l’entreprise au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers ;

Le Pillage des "cerveaux"

Autre sujet d’inquiétude et autre motif de refus de cette loi. C’est ce qui permet de la caractériser comme loi colonialiste. Au nom de l’immigration « choisie », le gouvernement s’apprête à piller des pays déjà en difficulté. On crée pour cela une carte appellée "compétences et talents" ( Art 13 ) Crée pour appliquer l’article 1, lui même nouvellement rédigé afin d’entériner des quotas.

Le pouvoir veut faire son marché, trier les migrants et les soumettre. C’est un nouveau pillage des pays du Sud, en plus des matières premières celui des cerveaux. Ils le disent crûment. t Le ministre des finances à révélé l’existence d’un rapport intitulé "Immigration sélective et besoins de l’économie". Douze secteurs de travail sont ciblés. Les emplois visés sont ceux de métiers très qualifiés. Cadres commerciaux, cadres technico-commerciaux, personnels d’étude et de recherche, enseignants...
Constatons que dans le même temps, on refuse de reconnaître pleinement les médecins à diplômes étrangers exerçant en France. Pourtant, par exemple, les services d’urgences des hôpitaux ne pourraient fonctionner sans eux.

Il n’est envisagé aucune contre partie, aucune réciprocité. La question de l’intérêt des autres pays, de ces peuples n’existe pas. Les crédits à la coopération ne cessent de diminuer depuis des années, rien n’est prévu pour inverser la tendance.
Rien n’est prévu pour sécuriser les statuts et permettre à ces personnes compétentes de mettre leur connaissance au service des deux pays quand elles le souhaitent. Nous proposons de le faire, en cohérence avec notre projet de sécurité emploi-formation. Nous proposons donc une tout autre orientation.
Ce pillage colonialiste est conforme aux stratégies des grands patrons, celles qu’ils développent de sommet de Davos en conférence de l’OMC, du FMI....Lors du Forum social de Bamako nous avons débattu de cela et abouti à de toutes autres propositions pour un autre monde..

Sur le plan du du travail, ce projet instaure une véritable dépendance du migrants, "compétents" (sic), vis à vis de son employeur. Ces dispositions sont terriblement conformes à la gravité de l’attaque générale contre le code du travail et les protections sociales.
Colonialiste dans son esprit et dans la lettre, il vise au pillage de compétences dans des pays déjà en difficultés graves.
Ils se situent à l’opposé de ce qui émègre dans les forum sociaux comme celui tenu à Bamako en janvier.

Une précarité permanente.

La précarité n’est plus l’exception mais la norme sociale à laquelle nous devrions nous habituer. Il y a une terrible cohérence entre le contrat nouvelle embauche, le contrat première embauche, la directive Bolkestein, la casse du code du travail, et cette loi de précarisation des migrants. Loi ethnique, racialisante, colonialiste, elle substitue la peur la méfiance, la division, le pillage, aux critères du lien social, du vivre ensemble républicain, a savoir l’égalité, la solidarité. Ils veulent développer des stratègies de peur, de précarité généralisée ou chacun se méfie de chacun, ou la concurrence règne sans limite...

Au sujet de l’asile...

Ce projet entérine et aggrave la mise en cause du droit d’asile. D’ailleurs ce droit faisait jusqu’à présent l’objetd’une loi particilière, pour distinguer migration et asile conformément aux textes internationaux. Le code proposé amalgame immigration et asile Les limitations imposées au droit d’asile en feront aussi une fabrique à sans papiers.

Se reporter à cette déclaration du ministre français de l’intérieur : "La France est restée en 2004 et 2005 la première destination mondiale des demandeurs d’asile. Cette situation est anormale car elle ne tient pas seulement à la tradition d’accueil de notre pays. Elle s’explique aussi par le caractère incitatif de certaines de nos procédures".

On y apprend....
1)Que par "monde", il faut entendre le seul hémisphère nord, ce qui va avec le projet français et européen d’"immigration choisie", les étrangers issus du Sud n’ayant guère de valeur intrinsèque puisque n’appartenant pas réellement au monde ni - par induction - à l’humanité ;
2)Qu’une bonne politique de l’asile est répulsive ou dissuasive, c’est-à-dire qu’elle neutralise l’idée même d’une protection possible en France et en Europe ou, à tout le moins, que, sur le plan des avantages comparatifs (les chances de protection selon les régions du monde), elle se situe au plus bas degré de l’échelle qualitative.

Le ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy, a demandé, lundi 6 février, aux préfets d’appliquer avec "énergie" les mesures permettant d’expulser les demandeurs d’asile déboutés de leur requête. "Le maintien sur notre territoire de demandeurs d’asile déboutés est une composante majeure de l’immigration clandestine. J’attache donc une grande importance à ce que vous appliquiez avec énergie ces mesures"
Il a répété son objectif de 25.000 expulsions en 2006, contre près de 20.000 en 2005, en hausse de 26% environ. Des objectifs chiffrés par département doivent être transmis aux préfectures.
"Un décret en cours de préparation va réduire à 15 jours, au lieu d’un mois, le délai de recours devant la commission de recours des réfugiés" contre une décision de l’Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides)

"la loi de finances 2006 prévoit de conditionner le versement au demandeur d’asile de l’allocation temporaire d’attente, qui a remplacé l’allocation d’insertion, à son hébergement en centre d’accueil des demandeurs d’asile (Cada). "...( qu’)à la fin de l’année, les Cada, dont le statut va être modifié, n’accueillent plus que des demandeurs d’asile et non, comme c’est souvent le cas aujourd’hui, des déboutés ou des réfugiés"....
"De nombreux obstacles demeurent pourtant, comme le nombre de places en centre de rétention, la faiblesse des taux de délivrance de laissez-passer" consulaires par les pays d’émigration, indispensables aux expulsions, et "le développement du contentieux devant les juridictions", Une circulaire est en préparation avec la Chancellerie sur ce dernier point.....

CONCLUSIONS

Nous en appellons au rejet de cette loi.
Résistons ensemble à une loi qui s’en prend à tous ceux, français et immigrés, naturalisés ou non, qui ont des liens avec des étrangers.
Terriblement régressif et nocif pour les personnes, pour l’état de droit, ce projet est contraire auxintérêts du pays, négatif pour le rayonnement de la France.

Scandaleux !

C’est un recul terrible pour notre pays qui s’était fait un honneur de garantir les libertés fondamentales en particulier ce droit de vivre en familles, le droit d’asile, le droit des enfants.
L’analyse des différents modes de traitement des migrants au regard du travail montre l’ampleur des risques que la réforme fait courir aux salariés et au droit du travail.
Les salariès ont tout intérêt à le comprendre, à se rassembler, immigrès ou non, et à éviter tous les pièges de la division, de la concurrence qui leur sont tendus aujourd’hui. Répondre par la solidarité à la division, par l’intérêt commun à l’exploitation de toutes et tous. La solidarité est matrice de combats communs.

Cette loi va totalement à l’encontre des nécessités et besoin de notre époque, pour une mondialisation progressiste, humaine, démocratique.

Cette loi doit être rejeté dans l’intérêt de toutes et tous, migrants ou non, du pays, des pays d’émigration...


Propositions alternatives.

Le PCF fait d’autres propositions : régularisation des sans papiers avec des cartes de dix ans, arrêt des expulsions, fermeture des centres de rétention, citoyenneté de résidence, droit de vote et éligibilité...

Voir notre document d’orientation Les migrants, le monde en mouvement...
(+ annexes)

Nous proposons une rencontre à l’assemblée nationale pour contrer ce projet et débattre des propositions alternatives. Suite au relevé de décisions de la rencontre des partis de gauche du 8 février nous proposons l’organisation de forum sur ce sujet, dont un forum national à Marseille Le rappel des convergences d’intérêts entre tous les salariès, entre peuples, face à ce type de loi, est un impératif.

Manifestation le 18 février...


Le : 22.02.2006
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