1.Réorienter et développer les dépenses de santé pour répondre aux nouveaux besoins de santé
En premier lieu, il convient de souligner que les dépenses de santé constituent non un poids comme le prétend la théorie dominante mais un facteur de développement économique et social. Elles vont s’élever en corrélation avec le niveau de développement, le vieillissement de la population, le progrès technique médical, la nécessité de sortir des inégalités sociales et régionales de santé, les nouveaux fléaux etc.
Abroger la loi Douste-Blazy, construire un système de santé solidaire et efficaces en partant de propositions alternatives. L’évaluation des besoins de santé devrait être effectuée par tous les acteurs sociaux au plus près du terrain (par exemple par des Etats généraux de la santé). Il faudra sortir de la crise de la démographie médicale et paramédicale, s’émanciper du rationnement comptable et des réformes libérales qui étouffent l’hôpital public et le système de santé solidaire tout entier.
Notre système devra être réorienté vers la prévention, particulièrement les risques environnementaux ou liés aux conditions de travail.
Pour les soins de ville, il faudra réfléchir à d’autres formes de rémunération que le paiement à l’acte, viser des formes coordonnées et pluridisciplinaires de soins, un travail en réseau articulant soins de ville et hôpital, facilitant un meilleur suivi du malade. L’objectif serait de faciliter un accès plus précoce et plus gratuit aux soins. Cela impliquerait des moyens pour revaloriser le statut et la place du médecin généraliste, un rôle accru des centres de santé coordonnés et pluridisciplinaires. On doit évidemment permettre de meilleurs remboursements et le développement du tiers payant, tout particulièrement pour la lunetterie et le dentaire.
Il convient de s’attaquer aux profits de l’industrie pharmaceutique qui pèsent sur l’assurance - maladie, cela impliquerait un contrôle public et social sur les gestions des entreprises pharmaceutiques (choix des recherches, des médicaments à mettre sur le marché, politique des volumes et des prix...). Les associations d’usagers constituent aujourd’hui de nouveaux experts qui devraient intervenir sur ces questions, comme l’ont déjà fait certaines associations (Act Up, Association française contre les myopathies (AFM), ...).
Il faut aussi s’atteler à une véritable réforme hospitalière démocratique et efficace à partir des propositions des acteurs eux-mêmes, en impliquant aussi les usagers. Il convient de revaloriser et non de détruire le statut de l’hôpital public, imposer d’autres critères que la rentabilité financière, mettre un terme à la folie des fermetures, fusions-restructurations, qui ne visent qu’à réduire les dépenses en personnel, à organiser la déshérence de l’hôpital public et à plier sous la domination du privé et des critères de gestion du privé. L’hôpital public doit obtenir les moyens de fonctionner dans l’intérêt des malades et de toute la société, sa gestion doit être profondément transformée.
Un plan d’urgence emploi-formation est incontournable, il manque tant en ville qu’à l’hôpital : 40000 infirmiers à former par an, 9000 médecins, simplement pour compenser la crise de la démographie médicale. Un vaste programme de formation continue - pour assurer la promotion des personnels, permettre les recrutements indispensables, faciliter la connaissance par le personnel médical et paramédical des nouveaux traitements, des nouvelles maladies,..., émancipé de la tutelle de l’industrie pharmaceutique et destiné (voire obligatoire) à tous - est indispensable.
Enfin il faut construire une véritable démocratie sanitaire et sociale, tout d’abord au niveau de la gouvernance qui doit être complètement revue.
Des élections des administrateurs à la représentation proportionnelle, avec la reconnaissance des nouveaux syndicats (Solidaires, FSU, UNSA ...), doivent être impérativement organisées, la représentation des associations d’usagers doit être garantie. Il est crucial de s’émanciper de la domination de l’étatisation et de la privatisation (Medef, assureurs...). La gestion des caisses d’assurance - maladie doit être démocratisée et transparente, elle doit se rapprocher des salariés des entreprises, des acteurs sociaux. Les représentants des assurés et des usagers doivent être associés à la définition de véritables parcours de soins efficaces, ils doivent pouvoir intervenir réellement sur les choix des politiques de santé.
2. Une indispensable refonte et un développement du financement pour faire face aux nouveaux besoins de réforme de progrès du système de santé
Les débats sur le financement
a).CSG ou cotisations ?
Nous défendons le principe des cotisations sociales. Nous sommes favorables à un financement lié à l’entreprise, lieu où les salariés créent les richesses. La question de fond, c’est : veut-on s’en prendre au capital ou ne pas toucher à l’entreprise, à la rentabilité financière.
Nous tenons à réaffirmer le principe de la cotisation sociale fonction des salaires versés, son lien à l’entreprise, lieu de la croissance, de la création de richesses, par les salariés. Les cotisations sociales sont une prise sur la valeur ajoutée, une partie de la VA qui ne va pas au profit.
Le principe de la cotisation sociale est un principe moderne et révolutionnaire. Chacun cotise en fonction de sa capacité contributive et peut recevoir des prestations et des soins en fonction de ses besoins. Les cotisations calculées en fonction des salaires versées sont prélevées sur la valeur ajoutée créée par les salariés. Elles servent à financer des prestations qui permettent de développer leur capacité contributive. Les cotisations sont ainsi enracinées et source de dynamique économique, ce qui donne les moyens de financer la protections sociale. Cette articulation du financement de la protection sociale à la production de richesses par les salariés constitue une très grande force.
Au contraire, nous sommes opposés à la fuite en avant dans la fiscalisation de la protection sociale (CSG, CRDS), car il s’agit fondamentalement d’organiser la réduction des « charges » sociales notamment patronales, d’institutionnaliser la réduction du coût du travail et de la part des salaires dans la valeur ajoutée. En même temps, cette fiscalisation conduit à l’abaissement des gestions dites paritaires, ainsi qu’à une étatisation qui vise le rationnement des dépenses sociales. La CSG ne repose que sur les ménages (et pour 88% sur les salariés et les retraités), les revenus financiers des ménages ne contribuent que pour 11%. Il est donc faux de dire que la CSG est plus juste et qu’elle ferait participer tous les revenus. En outre, elle ne repose qu’en aval sur les revenus des ménages, elle n’est pas articulée au lieu de la production des richesses, elle reste donc limitée et le principe à recettes limitées, dépenses limitées joue à plein. Cela constitue un puissant moyen de pression pour réduire les dépenses sociales.
La CSG est une réponse détachée de l’entreprise, c’est un impôt décidé par l’État, alors que la cotisation est une réponse socialisée. Le choix des modes de financement à partir des cotisations, c’est aussi et d’abord le choix d’un partage des richesses produites en faveur des salariés, et d’une action à la racine sur la façon de produire les richesses en accroissant la part de salaires et des fonds sociaux. Le choix du financement correspond à un choix de société. Le choix de la cotisation, c’est le choix de la solidarité, de la responsabilité sociale des entreprises, le choix d’une sécurité sociale gérée par les assurés sociaux. Au contraire, pour nous, la CSG, la fiscalisation, c’est le choix de l’étatisation pour servir en fait plus directement les intérêts immédiats du capital et freiner les dépenses sociales. Nous voulons sortir de ces cercles vicieux qui organisent le tarissement des recettes de la protection sociale. Nous combattons la théorie dominante qui présente le financement de la protection sociale, tout particulièrement les cotisations sociales, comme un boulet handicapant l’emploi, en prétendant que cela élève de façon excessive le coût du travail. Cette théorie avance aussi que le financement de la protection sociale, à partir des cotisations sociales, constituerait un frein à la croissance et à la compétitivité des entreprises. Il convient de montrer, au contraire, que le financement de la protection sociale, notamment les cotisations sociales, constitue un facteur de développement des ressources humaines, un moteur pour un autre type de progression de la productivité du travail, un autre type de croissance.
Cependant, le type de croissance comprime les dépenses publiques et sociales, fait exploser le chômage qui gangrène les rentrées de cotisations. C’est le type de politique économique et de gestion des entreprises qui réduit la part des salaires dans la valeur ajoutée, tandis que les exonérations exponentielles de cotisations patronales sur les « bas salaires » (20 milliards d’euros en 2005) privent la Sécurité sociale de ressources et tendent à tirer tous les salaires vers le bas.
Il faut au contraire relever la part des salaires dans la valeur ajoutée, accroître le taux et la masse des cotisations patronales.
b). Le débat sur une réforme de progrès social et d’efficacité économique de l’assiette des cotisations patronales doit être mené.
Le type de politique économique et de gestion des entreprises conduit aux limites de l’assiette actuelle des cotisations patronales et de la répartition des « charges sociales » entre les entreprises.
Ainsi, les entreprises de main d’œuvre (BTP, métallurgie, etc.), les entreprises qui ont un rapport masse salariale/valeur ajoutée élevé, qui embauchent, accroissent les emplois et les salaires, ont un rapport charges sociales/VA beaucoup plus élevé.
Inversement, les sociétés financières, les entreprises qui licencient, réduisent la part des salaires dans la valeur ajoutée, qui jouent les placements financiers contre la croissance réelle et l’emploi, ont un rapport charges sociales/VA beaucoup plus bas. Il y a donc des effets pervers par rapport à l’emploi et à la promotion des salariés. Ce système avantage les entreprises capitalistiques et les sociétés financières, au détriment des industries de main d’œuvre et de la création des emplois correctement rémunérés. Aussi proposons nous de relever le taux et la masse des cotisations patronales, en corrélation avec une politique de relèvement de la part des salaires dans la valeur ajoutée produite (développement de l’emploi, des salaires, de la formation, de la qualification des salariés).
Pour sortir de l’enfermement dans les politiques libérales qui organisent la diminution des financements de la protection sociale, nous voulons démontrer qu’une autre logique est possible et indispensable. Il s’agirait de responsabiliser et solidariser les entreprises face au développement de l’emploi, des salaires, pour l’enclenchement d’un nouveau type de croissance centré sur le développement des ressources humaines (emploi, salaire, formation, etc.). Il s’agirait de mettre en cause le type de croissance et de gestion des entreprises, notamment des critères de gestion visant la rentabilité financière contre le développement des ressources humaines.
Il ne s’agit pas de faire des cadeaux aux uns et de punir les autres. Il n’est pas question d’une nouvelle forme d’exonération arguant que l’emploi dépendrait de l’abaissement des cotisations patronales. L’objectif, c’est d’accroître le taux et la masse des cotisations patronales, à partir notamment du relèvement de la part des salaires.
Nous pensons indispensable de lancer un grand débat sur la réforme de l’assiette des cotisations patronales afin de viser l’accroissement des rentrées de cotisations.
Le principe que nous envisageons pourrait être le suivant : on garderait l’assiette salaire mais on corrigerait ses limites actuelles liées au type de politique économique et de gestion des entreprises. L’objectif serait de viser de nouvelles rentrées de cotisations articulées au développement de l’emploi, des salaires, d’un nouveau type de croissance réelle. Il s’agirait d’inciter à la croissance réelle à partir du développement de l’emploi, des salaires, de la formation, de l’accroissement du rapport MS/VA, masse salariale / valeur ajoutée, c’est-à-dire de la part des salaires dans la valeur ajoutée produite. On viserait ainsi à dissuader de la course à la seule croissance financière, aux économies massives sur l’emploi et les salaires.
Les entreprises qui, sous contrôle de l’intervention des salariés dans les gestions, relèvent la part de la masse salariale dans la valeur ajoutée ( emploi, salaires, formation, promotion des salariés, fonds sociaux) seraient assujetties à un taux de cotisation relativement abaissé, mais l’accroissement des salaires, de l’emploi, d’un nouveau type de croissance, permettrait une masse de cotisations accrue. Inversement, les entreprises qui licencient, réduisent la part des salaires dans la valeur ajoutée, fuient dans la croissance financière, seraient assujetties à un taux de cotisation beaucoup plus lourd.
c). Autre débat : assiette VA ou assiette salaires ?
Pour notre part, nous ne sommes pas favorables à un changement d’assiette et au remplacement de l’assiette salaires par une assiette VA.
En effet, une assiette VA est beaucoup moins fiable qu’une assiette salaires, beaucoup plus fluctuante et fraudable.
En outre, une assiette VA ne dit rien des luttes à la racine de la production des richesses pour un accroissement de la part des salaires dans la VA. Cette assiette n’offre pas de prise aux salariés pour intervenir sur les gestions des entreprises afin de développer les salaires, les fonds pour la protection sociale, pour la formation, etc.
Poser aussi la question des toutes petites entreprises, des artisans...
Les aider autrement que par l’incitation à réduire les salaires et les dites charges sociales. Cela pose la question d’une nouvelle fiscalité, d’un nouveau crédit à taux abaissé.
d). Autres propositions immédiates
en finir avec les exonérations de cotisations patronales qui ne créent pas d’emploi et tendent à tirer tous les salaires vers le bas ;
autre façon d’encourager réellement la création d’emploi en articulation avec la promotion des salariés (formation, qualification, salaire). Fonds régionaux et nouveaux crédits avec des taux d’intérêt abaissés sélectivement pour les investissements productifs des entreprises développant prioritairement l’emploi et la formation ;
exiger le règlement des dettes patronales et des dettes de l’État à la Sécurité sociale ;
nouveaux financements pour le service public hospitalier, sortir de la T2A ;
amorcer une réflexion sur une nouvelle dotation hospitalière prenant en compte tout ce qui n’est pas rentabilité immédiate mais politique de formation, recherche, équipements hospitaliers. Un Plan d’urgence emploi-formation, formation continue, promotion des personnels est indispensable.
Enfin, face à l’urgence, une nouvelle cotisation pourrait être instituée sur les revenus financiers des entreprises qui ne sont soumises à aucune contribution sociale et se développent contre l’emploi et la croissance réelle. Il existe actuellement plus de 80 milliards d’euros de revenus financiers des entreprises. En les soumettant au taux actuel de cotisations patronales à l’assurance - maladie (12,8% des salaires), cela représenterait environ 10 milliards d’euros de rentrées, sans parler des revenus financiers nets des institutions financières qu’on pourrait aussi soumettre à des cotisations sociales. L’objectif serait de participer au financement de la solidarité, tout en pénalisant la course à la rentabilité financière et en incitant à une autre utilisation de l’argent pour viser un nouveau type de croissance réelle. Le développement des ressources humaines constituerait le moteur de ce nouveau type de développement économique et social. Celui-ci à son tour permettrait de dégager des moyens pour financer une nouvelle sécurité sociale, elle-même articulée avec la sécurisation de l’emploi et de la formation.
e). Pour une autre politique à gauche
Des engagements fermes, des garanties à faire vivre dans la création du rapport de force.
Pour abroger réellement la loi Fillon sur les retraites, la loi Douste-Blazy sur l’assurance-maladie, etc., mettre en chantier une autre réforme de progrès social.
Sortir du Pacte de stabilité de l’UE.
Construire un véritable pacte pour un nouveau type de croissance, pour une sécurité et un développement de l’emploi, de la formation, du revenu, en Europe.
Mettre en cause la BCE, exiger qu’elle vise des objectifs de croissance, d’emploi, de progrès social. Mettre en cause son indépendance et sa soumission aux seuls impératifs de « stabilité » c’est-à-dire de freinage des dépenses publiques et sociales pour défendre la seule rentabilité financière. Les forces progressistes en Europe doivent au contraire militer pour exiger des crédits sélectifs à taux abaissés afin de financer les entreprises qui développent des investissements productifs centrés en priorité sur le développement de l’emploi et de la formation. Il faut avoir le courage de mettre en cause les critères de gestion des entreprises, la course à l’argent pour l’argent et non pas le développement humain, l’emploi.
f). Un nouveau projet de société
La sortie de la crise systémique en cours repose fondamentalement sur la construction d’un nouveau système social instaurant une sécurisation nouvelle de l’emploi, de la formation, du revenu, une nouvelle sécurité sociale. Cela impliquerait de répondre aux nouveaux besoins sociaux (notamment de santé). De nouveaux financements mutualisés sont incontournables. Ainsi, il faut sortir de la crise du financement de la protection sociale, enracinée dans la crise économique et liée aux politiques économiques et sociales comme aux gestions d’entreprise. C’est bien la montée des licenciements, la baisse de la part des salaires dans la valeur ajoutée, les politiques de réduction des dépenses publiques et sociales qui enfoncent dans la limitation des ressources du système de protection sociale, en liaison avec un type de construction européenne qui organise la surenchère au dumping social et fiscal. Nous voulons au contraire construire un nouveau modèle social européen visant une harmonisation vers le haut des systèmes de protection sociale, notamment les systèmes de santé.
Quelles réformes ?
Système de santé, retraites, politiques familiale, emploi, exclusion, insertion. Quels financements ?
Sortir de l’incohérence actuelle dans laquelle ont plongé les contre-réformes libérales. Celles-ci ont détruit la solidarité, fait exploser les inégalités d’accès aux soins, le développement de la pauvreté et renforcé la crise d’efficacité du système.