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Manifeste pour une Alternative Républicaine et Sociale - MARS

Une réorientation nécessaire

Par François Cocq, membre du Bureau du Mars

Quels leviers politiques pour la transformation progressiste de l’Ecole ?

L’Ecole : service public d’éducation :

Le MARS réaffirme son attachement au service public d’éducation. L’éducation doit rester nationale. Ce n’est pas qu’un slogan repris par les enseignants en 2003 mais une volonté forte de ceux-ci qui traduit leur attachement à l’Ecole comme service public d’éducation.

Service public rime avec République : l’unité territoriale doit être respectée pour les programmes et les horaires. A cet égard, l’augmentation des pouvoirs des chefs d’établissement représente une négation de cette unité. L’école privée : il s’agit de dépasser la prétendue mixité sociale qui serait celle de cet enseignement. 95 % des établissements sont en effet des établissements confessionnels. Où l’on retrouve le problème de la laïcité et de la loi de 1905. La formation des enseignants du privé et la qualité de l ‘enseignement dispensé, s’ils se veulent encadrés, ne doivent pas faire croire à une stricte égalité avec le public, encore moins à un gage de qualité que le privé représenterait. Le financement de ces établissements pose aussi problème : si la loi Debré de 1959 leur ouvrait la voie à un financement public, celui-ci pourrait encore être accentué suite aux dernières propositions du ministre. Cet enseignement pose également le problème de la ségrégation spatiale qu’il entraîne. C’est un démantèlement de fait de la carte scolaire. (je pense qu’il faut vraiment insister sur ce dernier point qui illustre la difficulté d’un service public dès lors qu’il supporte une concurrence inégale puisque les écoles privées peuvent choisir leurs élèves ! ) A relier avec question des dérogations.

Au delà de l’enseignement privé proprement dit, se pose le problème de l’aide aux devoirs et des cours particuliers. Multiplication des instituts style Acadomia sans réel regard sur l’enseignement qui y est dispensé malgré un abattement d’impôt de 50%. Pourtant, une solution existe et se pratique à certains endroits : l’aide aux devoirs par le biais de la mairie. L’Etat devrait à cet égard se montrer incitatif afin qu’un tel système se généralise.

La laïcité : élément central du pacte républicain et scolaire :

La loi sur le voile de 2003 n’a pas réglé tous les problèmes. Elle a simplement été une piqûre de rappel du principe de laïcité.

Séparation nécessaire entre la sphère publique et la sphère privée. L’Ecole étant à cet égard le lieu le plus à même pour faire prendre conscience de cette distinction aux élèves mais aussi lutter contre toute dérive communautariste entre les élèves . (élève est un citoyen en formation) (reste également que la le respect de la laïcité en tant que tel n’empêche pas la ségrégation sociale voir raciale dont l’école hérite) La laïcité doit mettre à l’abri de toute idéologie : non seulement les religions mais aussi du capitalisme voire du libéralisme qui sont présentés dans l’éducation non comme le système dominant mais comme le système ultime.

Dérive consumériste et entrée de nombreuses entreprises dans l’Ecole, via les stages ou les formations proposées. (voyages scolaires inégalement proposés)

Le devenir du collège unique :

Briser le collège unique, c’est revenir à des classes de niveau. Il y aura certes quelques classes d’excellence, mais il y aura surtout des voies de garage.

Il n’est pas possible de réformer le collège si les voies professionnelles n’ont pas, dans les faits, été valorisées dans un premier temps. Il existe aujourd’hui un double discours entre ce que disent les ministres et ce que l’on retrouve sur le terrain (et qui est guidé par les IA qui prennent leurs ordres auprès des ministres...).

Le découpage du collège en cycles n’apporte rien car il n’y a pas de progressivité. Mieux vaudrait un système évolutif de la 6ème à la 3ème, tant du point de vue des horaires que de celui des programmes. Il est en effet impossible de faire cohabiter en un même lieu, à un même moment, avec un même rythme, des enfants dont l’amplitude de variation d’age peut aller jusqu’à 6 voire 7 ans, à un âge justement (l’adolescence, pré et post) où toutes les tensions qui y sont liées sont exacerbées.

L’Ecole : zone hors AGCS, TCE, OMC ... :

Du fait de l’existence d’un enseignement privé payant, l’Ecole peut à terme être considérée comme un service pris sous le coup des négociations dans le cadre de l’AGCS. Certes, l’Ecole est actuellement écartée de ces négociations, comme c’était le cas dans le TCE. Mais une définition claire au niveau européen de la notion de service public s’impose afin d’éliminer durablement ces risques. C’est ce que demande le MARS.

L’enjeu est énorme : l’éducation représente un marché de 2000 milliards de dollars ( le 2ème après la santé).

Les dangers actuels portent sur la formation continue professionnelle et sur l’enseignement supérieur. Il existe une volonté de créer des grands campus à l’américaine, mi publics-mi privés, avec des frais d’inscription exorbitants qui représenteraient une vraie discrimination pour les classes sociales les plus défavorisées. La mise en place de bourses ne saurait être une réponse suffisante au maintien d’une certaine méritocratie républicaine.

Enseignant : rendre le métier plus attractif :

Un premier constat s’impose : les enseignants sont très fortement attachés au service public d’éducation, des mots qui font sens.

Qu’en est-il du projet De Villepin de proposer un bilan et une réorientation éventuelle des fonctionnaires (et donc des enseignants) au bout de 15 ans dans le métier.

Evaluations et évolutions de carrière : le rôle des IPR doit être accru. Ils doivent être plus nombreux et ne pas se contenter d’évaluer les enseignants. Ils doivent avoir un rôle d’aide et de conseil pour les enseignants et surtout veiller à la cohésion des équipes. Ce serait là une évolution essentielle que propose le MARS.

Un travail plus transversal doit être mis en place mais pour cela des temps de concertation doivent être accordés aux enseignants.

Le pouvoir d’achat : une revalorisation salariale s’impose. Depuis quelques années, le pouvoir d’achat s’érode et crée un malaise supplémentaire du côté des enseignants. Problème et danger du salaire au mérite qui serait partiellement réglé avec la réorientation proposée du travail des IPR.

Réflexion de fond à mener sur la différence ressentie entre l’école primaire (où pour aller vote on a l’impression que cela « tient le coup » et le secondaire où émergent les vrais problèmes. Est-ce uniquement du à situations exogènes à l’école (age des élèves notamment) ou bien y a-t-il aussi des questions endogènes (formation enseignant, taille des collèges par rapport aux écoles primaires, etc...)

Une politique adaptée :

Il est de bon ton depuis de nombreuses année pour chaque ministre de l’Education nationale d’avoir une réforme à son nom. Cette persistance dans le saupoudrage a fait perdre toute cohérence à l’action globale de l’ensemble des équipes éducatives. Pire, celles-ci sont aujourd’hui en partie démotivées de devoir s’adapter à de nouvelles normes qu’on supprime sans avoir seulement pris la peine de les évaluer.

Ce n’est donc pas une nième réforme que les enseignants attendent mais bel et bien une définition claire de leurs missions, une mise à disposition de moyens (humains, financiers, et de formation) enfin suffisants, une réorganisation de la gestion administrative des personnels, et une évolution des pratiques pédagogiques en prenant en considération les temps de préparation et de concertation.

D’autre part, les syndicats de l’Education nationale sont de ceux qui comptent le plus d’adhérents et l’on peut même dire que les pratiques syndicales touchent une immense majorité des personnels au travers des heures syndicales qui sont ouvertes à tous. C’est pourquoi il est nécessaire, lors de la mise en œuvre de toute innovation, de la définir et de la partager avec les syndicats qui sont les plus à même d’atténuer la méfiance grandissante des enseignants. Si l’on ne peut demander aux syndicats d’être un relais d’une politique, il faut qu’ils aient un sentiment d’adhésion aux mesures proposées pour pouvoir par la suite les faire entrer dans les mentalités et les pratiques des personnels. Car il faut bien garder à l’esprit l’une des spécificités du métier d’enseignant qui est la libre pratique pédagogique (certes encadrée) et qui conduit nombre de professeurs à se sentir seul maître de l’espace classe qui est le leur. C’est pourquoi toute mesure qui ne serait pas comprise par eux échouerait une fois de plus dans sa mise en œuvre.

Il est également nécessaire de remettre le projet pour l’Ecole en cohérence avec une vision plus globale de la société. On a trop demandé au système éducatif depuis 25 ans, depuis le passage de la démocratisation à la massification, de compenser les errances sociales et de prendre en charge la découverte de nouvelles pratiques qui n’ont plus rien à voir avec l’instruction initiale (code de la route, santé, toxicomanie, alcool...). Il n’est pas question d’externaliser ces nouvelles questions éducatives mais de travailler avec des intervenants (de l’Education nationale serait donc le mieux) qui pourraient soulager les enseignants de ces tâches et leur permettre de recentrer leur travail sur des pratiques pour lesquelles aujourd’hui le temps leur manque.

Une telle redéfinition d’une vision globale s’impose car l’Ecole marche de plus en plus par projets et si cela permet en théorie d’adapter l’offre aux besoins des élèves, le risque de disparité territoriale est le plus fort et nombre de facteurs (élèves, enseignants, cadre, contexte) fait que des établissements de niveau apparaîtront et briseront alors l’égalité républicaine devant l’instruction.

Des pistes de travail existent donc. Les mesures pédagogiques proposées ne pourront l’être qu’avec souplesse. Par contre, un remaniement administratif s’impose. Il est même le préalable à toute autre mesure afin que le monde enseignant ne soit pas une fois de plus convaincu de la vanité d’une réforme. On pourra alors changer les mentalités et pratiques, lancer le travail en équipe, recentrer le travail des enseignants sur leur matière tout en offrant aux enfants un nouveau cadre pour une éducation sociale et sociétale. Parce que l’évolution de la société y oblige, l’Ecole doit proposer plus et mieux. Mais elle ne le pourra qu’en définissant plus clairement la place et les missions allouées à chacun.

Dans notre société libérale l’un des derniers garants du bien public et de la formation de la citoyenneté et non d’individus manipulés par le marché. Fondement républicain attaqué car potentiel source de profit (accord AGCS). L’école ne peut résoudre seul les inégalités sociales de plus en plus grande mais il appartient à la nation de lui en donner les moyens au maximum ce qui passe notamment par le retour au monopole de l’école publique.


Le : 23.11.2005
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