Taxer les actifs financiers des entreprises (=leurs placements)
Changer la logique des aides avec un contrôle public et social
1. On transfère des compétences aux collectivités locales territoriales, aux communes. Cela risque fort, on le sait, de baisser les ressources affectées aux domaines concernés. Or tout montre aujourd’hui qu’il y a besoin de dépenser probablement mieux, mais surtout plus, dans un contexte où les besoins de dépenses sont déjà accrus par le cancer de la précarité, du chômage et de la pauvreté. Combler le manque à gagner uniquement par une ristourne de l’État (type DGF) peut avoir des effets pervers : (1) cela se ferait probablement sur les revenus des ménages (TVA, TIPP), on leur reprendrait donc d’une main ce qu’on leur redonne de l’autre (2) cela amoindrirait les marges d’action des collectivités (3) cela poserait un problème de pérennisation.
2. Taxer les placements financiers. Nous proposons d’en profiter pour faire une « bascule » de la Taxe d’Habitation vers la TP (taxe Professionnelle). Mais une TP profondément réformée. En effet, aujourd’hui elle taxe les capitaux matériels (machines + bâtiments) et eux-seuls, la masse salariale étant progressivement exclue de son assiette. La réforme que nous proposons (élargissement de l’assiette aux capitaux financiers, taxés à 0,3% ou 0,5%, produit reversé intégralement aux communes, selon des critères de péréquation nombre d’habitants & besoins sociaux), et dont plusieurs avis d’experts ont souligné la pertinence -de M. Pébereau à J.P. Delevoye- présente à la fois l’avantage
d’augmenter substantiellement son produit (+10 à 18 milliards d’euros, soit 178 à 300 euros par habitant)
sans piocher sur celles des entreprises qui font de la croissance réelle et des dépenses d’innovation basées sur l’emploi et les ressources humaines, puisqu’on pénalise celles qui font plus de placements financiers
de contribuer à désintoxiquer la croissance de son gonflement financier, malsain.
a. Chiffrage. Avec la reprise économique qui ne vient pas, c’est le moment de désintoxiquer de façon moderne et efficace la croissance. La guerre des taux d’intérêt, et la guerre monétaire avec le $, vient à peine de reprendre et elle risque de porter de durs coups à la croissance réelle.
Pour cadrer les choses : en 10 ans (de 1993 à 2002), cette base - le stock de placements financiers - a doublé (+107%) pour atteindre aujourd’hui, d’après l’Insee, 3.560 milliards d’euros (deux fois le PIB !), tandis que la modernisation liée aux machines et aux équipements nouveaux (les immobilisations NON financières des entreprises correspondant à la base "capital matériel de la TP") a cru deux fois moins vite (+ 52%), que la valeur ajoutée de ces entreprises (leur contribution au Pib) ne s’est accrue encore moins rapidement (+39%) et l’emploi six fois moins vite (+17%.), or l’emploi, les dépenses de recherche et celles de formation représentent pourtant des capacités humaines décisives dans la révolution informationnelle actuelle.
b. Une taxation qui pousse ainsi à l’efficacité. Avoir une taxation qui non seulement mordrait sur cette croissance la financière, mais favoriserait d’autres chemins de croissance et d’innovation contribuerait significativement à consolider la situation économique. Elle rencontrerait un large mouvement d’opinion, ainsi que l’assentiment de nombreuses forces vives du travail et de la création, soutenant l’innovation et le développement économiques basés sur le développement des ressources humaines de haut niveau, plutôt que sur la croissance financière et l’appauvrissement massif des salariés.
3. Contrôler les exonérations. Second volet, pour une réforme vraiment efficace, il est de plus en plus nécessaire que les exonérations de taxe professionnelle soient incitatives à ce développement des ressources humaines. Pour cela, que les collectivités locales puissent les subordonner au respect par les entreprises (et les groupes) d’engagements en matière d’emploi en qualité et en quantité, engagements dont le respect pourrait être suivi dans l’esprit d’un véritable contrôle de la dépense publique et de son utilisation.
Que sont les actifs financiers des entreprises ?
Ce sont leurs placements financiers
La comptabilité des entreprises permet de distinguer 2 types d’actifs (voir encadré) : les uns, « matériels » (ou corporels), sont aujourd’hui soumis à l’imposition, les autres, financiers, qui croissent de manière exponentielle (de 270 Mds de francs en 1970 à l’équivalent de 23 400 Mds aujourd’hui) échappent à toute taxation. Au niveau macro‑économique, la comptabilité nationale suit aussi cette distinction (cf. encadré).
ENCADRÉ
Définition : Les actifs financiers d’une entreprise représentent la partie de son stock de capitaux investie en placements financiers (titres négociables), figurant à l’actif de son bilan comptable1..Ils sont parfaitement appréhendables au niveau de chaque entreprise par la ce que la comptabilité des sociétés enregistre comme « immobilisations financières » et comme « valeurs mobilières de placement ». Le reste du capital est investi en
‑ capitaux matériels fixes (immeubles machines, ...)
‑ capitaux circulants
a. matériels (stock de marchandises, de produits intermédiaires, de matières premières... )
b. non matériels (liquidités, créances clients, prêts, ... )
‑ capitaux dits « immatériels » ou « incorporels » (brevets, fonds de commerce, ...)
Mesure : Dans les publications de l’INSEE, on dispose de deux types d’estimation du total des actifs financiers des entreprises situées en France. L’une est établie par la comptabilité dite nationale et figure dans les Comptes de la Nation, à la partie comptes de patrimoine [1]. Elle est le résultat d’estimations diverses, parfois indirectes, mais basées sur un certain nombre d’hypothèses qui peuvent être mises en cause, notamment concernant l’évolution du prix des actions non cotées en bourse. L’autre, se base sur la compilation directe des comptabilités d’entreprise, par sommation, et est publiée dans l’annuaire Statistique de la France [2]. Son principal intérêt est qu’elle correspond aux chiffres disponibles directement entreprise par entreprise. Mais elle représente comme défaut principal d’utiliser les montants dépensés à la date d’achat (« coût historique »), donc non actualisés.
[1 ] Rapport sur les Comptes de la Nation, 2003, collection Insee‑Résultats, série économie, n° 14, juin, Insee.
[2] Annuaire Statistique de la France, édition 2004, Insee, cf. p. 437.
Evaluation pour 2002. En euros courants, l’ordre de grandeur se situe autour de 3 500 milliards d’euros. La comptabilité nationale donne un total de 1 533 milliards de francs, pour les titres financiers des entreprises, soit plus du double de la valeur totale de leurs machines et immeubles (immobilisations corporelles). Elle donne un total de 2 034 milliards d’euros pour les banques et assurances (« entreprises financières »), soit 2 886 de titres auxquels il convient de retirer les « réserves techniques d’assurance » qui s’élèvent à 852 milliards.
Produit fiscal escompté
S’ils sont taxés à 0,3% le produit escompté est d’environ 10,7 Mds d’euros
S’ils sont taxés à 0,5% le produit escompté est d’environ 17,8 Mds d’euros
Ce qui donne par habitant, en moyenne, entre 178 et 297 euros/habitants
Donc pour une ville de 50.000 habitants, une recette fiscale supplémentaire de 58,5 à 97,5 millions d’euros, toutes choses égales par ailleurs. En outre, la modulation de la répartition du produit en fonction de critères sociaux ferait que les villes qui ont plus de chômeurs et de besoins sociaux toucheraient un produit plus élevé.
Organisation du prélèvement
Si la localisation fine des placements financiers des entreprises n’a en effet guère de sens, leur appartenance ne fait par contre pas l’ombre d’un doute. C’est pourquoi, une telle mesure ne peut se concevoir, comme nous l’avons proposé, qu’au niveau national, et ceci pour abonder un fonds national et dont le produit est redistribué localement et intégralement aux collectivités territoriales.
Dans un bilan comptable, à gauche l’actif détaille l’utilisation qui est faite des fonds dont dispose l’entreprise (ressources propres ou empruntées). L’origine de ces derniers est détaillée à droite au passif de l’entreprise. Les actifs financiers, stock de placements ‑ sous forme de titres financiers négociables sur un marché ‑ ne doivent pas être confondus avec les revenus financiers, flux de revenus.