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Parti communiste français

L’Europe face à de nouvelles responsabilités mondiales

Commission nationale économie

Nous avons souvent insisté dans « Economie et Politique », et à juste raison, sur les difficultés actuelles de l’Union européenne. Nous avons souligné son risque de décrochage de la croissance mondiale, alors que celle-ci tend désormais à marquer le pas, dans les pays de l’OCDE, y compris aux États-Unis, et se trouve peu créatrice d’emplois.

Nous avons montré comment ce décalage résulte du cumul de deux facteurs jouant contre l’emploi :

1 - L’utilisation des nouvelles technologies pour la rentabilité financière dans la phase actuelle de croissance très peu créatrice d’emplois, de partout dans les pays de l’OCDE, y compris aux Etats-Unis ;

2 - S’ajoute, pour l’Europe, une orientation de la BCE guidée par les exigences d’un euro fort au service des marchés financiers contre l’emploi et la croissance réelle.

Cette situation de langueur de la croissance européenne est appelée à s’accentuer avec le refus des dirigeants de l’Union de toute réorientation et, désormais, leur antagonisme plus ouvert.

A) Un besoin d’ émancipation de la domination du dollar :

L’Union européenne a beaucoup souffert de la dépréciation du dollar par rapport à l’euro.

Cela a pesé sur sa croissance réelle, jusqu’aux effets dévastateurs récents de la fin des quotas d’importations de textiles de l’accord AMF, prévue cependant depuis 1994, et qui a vu s’envoler les importations en provenance de Chine où le yuan est indexé au dollar.

La remontée du dollar par rapport à l’euro est trop récente pour penser qu’elle ouvre une nouvelle phase, d’autant que les facteurs fondamentaux de dépréciation du Billet vert sont toujours à l’œuvre avec, principalement, l’énorme déficit commercial des États-Unis.

On peut cependant penser que de la remontée des taux d’intérêt à court terme aux États-Unis - passés de 1% à 3 % depuis juin 2004 - sous l’impulsion de la Fed a fini par rassurer temporairement sur le dollar, d’autant plus que la BCE se trouve, elle, confrontée à un dilemme qui la paralyse : si elle hausse ses propres taux elle risque d’étouffer une croissance déjà si faible que de toute part monte l’exigence, au contraire, d’ une baisse. Et sans doute l’incertitude qu’à accrue, sur cette base, la crise institutionnelle dans l’Union accentue-t-elle cette défiance vis-à-vis de l’euro, en contradiction avec le choix d’un « euro fort » et d’une « stabilité des prix », alors que le prix du pétrole importé s’envole.

Dans ces circonstances l’Europe et aux prises avec d’ énormes difficultés et se trouve - pour en sortir - confrontée à d’immenses responsabilités.

L’ euro a, certes, commencé à reculer face au dollar, beaucoup moins cependant que le yen, la Banque du Japon intervenant activement sur les marchés de change.

Ce desserrement, encore relatif, donne certes un peu d’air. Cela bénéficie surtout aux capitalistes allemands dont les exportations de biens d’équipement répondent beaucoup mieux aux besoins d’investissement industriel des pays émergents. Ce faisant, l’Allemagne accumule un énorme excédent commercial.

Pour autant, la pression déflationniste des importations de produits à très bas coût en provenance de la Chine, de l’Inde et des pays émergents continue de mordre profondément dans les marges des producteurs européens, quoique de façon différenciée sans doute.

Surtout, le différentiel entre taux d’intérêt réel et taux de croissance réelle demeure défavorable aux pays de l’Union européenne relativement aux États-Unis. Cela entretient le flux d’exportation de capitaux vers ces derniers, au détriment de l’Union européenne, la France en particulier.

Tout se passe donc comme si, face aux besoins, pourtant antagonistes, des États-Unis et des pays émergents, l’Europe se retrouve dans la plus mauvaise posture, exposée aux contre-coups les plus dommageables.

Dans ce contexte, l’ immobilisme de la BCE est très critiqué, à juste titre. Son refus de bouger son taux directeur, malgré le passage de l’inflation de l’Union, en rythme annuel, sous le seuil de 2 %, témoigne sans doute, d’une certaine paralysie, accrue par la crise institutionnelle de l’Union européenne et l’explosion des demandes sociales en direction des États.

Mais la baisse de l’euro par rapport au dollar depuis quelques semaines, détend un peu le carcan monétaire qui étouffe plus ou moins les européens, jouant pour une part le rôle d’une baisse générale des taux d’intérêt.

Les effets de cette baisse sont très inégaux selon les pays membres de l’Union. Surtout, dans le contexte actuel et à la manière de ce que produirait une baisse uniforme des taux d’intérêt de la B.C.E., cette dépréciation de l’euro par rapport au dollar a pour conséquence d’encourager les placements en valeurs mobilières, en obligations notamment, aux États-Unis singulièrement, tandis que s’enflamme de plus belle la spéculation sur l’immobilier résidentiel.

Ainsi la remontée actuelle du dollar face à l’euro fait écho aux importantes sorties de capitaux de l’Union européenne en direction des Etats-Unis en 2004.

Un récent rapport de l’OCDE montrent que, l’an dernier, les entrées d’investissements directs y sont passées à 106,8 milliards de dollars contre 67,1 milliards en 2003. La France et, dans une moindre mesure, l’Allemagne, au cœur de la zone euro, ont été les principales victimes de cette attraction américaine.

En France, les entrées nettes d’investissements directs étrangers ont été divisées par deux, revenant à 24 milliards de dollars contre 43 milliards de dollars un an plus tôt. Et les investisseurs ont retiré de fait 38,6 milliards de dollars d’Allemagne, ce qui efface les entrées de 27,3 milliards de dollars enregistrées en 2003.

Cette hémorragie de capitaux qui laisse l’Union européenne exsangue est, avant tout, le fait d’opérations internes aux plus grands groupes multinationaux installés en Europe, en France particulièrement. Selon l’OCDE, en effet, le retournement de tendance de 2004 traduirait des remboursements de prêts interentreprises à des bénéficiaires se trouvant hors d’Europe ainsi que d’autres opérations entre entreprises liées.

B) L’ euro et la zone euro dans la tourmente :

La BCE vient de ramener à 1,4 % sa prévision de croissance du PIB pour la zone euro en 2005, contre 1,6 % précédemment.

De son côté, la commission européenne a révisé en baisse sa prévision de croissance du PIB de 0 ,1 point pour le deuxième trimestre 2005, alors qu’au premier trimestre la croissance de 1,3 % de la zone euro n’a été due qu’à un recul des importations (- 1,1 %) engendré par le ralentissement de la consommation des ménages et la chute de l’investissement (- 0,7 % dans la zone euro contre plus 0,8 % au quatrième trimestre 2004)

Il s’avère que, désormais, l’industrie est en récession au sein de la zone euro. Les écarts se creusent entre les pays de la zone euro et ceux qui sont à l’extérieur de la zone, tant en matière de croissance réelle et d’emploi que de déficit budgétaire .

Mais les écarts se creusent beaucoup aussi entre pays membres de la zone euro, alors que leur politique monétaire, conduite par la BCE, est unique.

Ainsi, l’Italie est en récession technique et a été déclarée en « déficit excessif », alors que son chômage est considérable.

L’Allemagne, de son côté, connaît un petit réveil de la croissance (1%), mais il est du, pour l’essentiel, à la bonne tenue des exportations, alors que la consommation des ménages s’étouffe sous le poids d’ un chômage colossal (prés de 5 millions de chômeurs officiels). Ce pays viole depuis 2002 les règles du pacte de stabilité et son ministre de l’économie, Hans Eichel, a déclaré que l’engagement de s‘y conformer dés 2005 est « de plus en plus difficile à tenir » du fait de l’ampleur du chômage et des faibles recettes fiscales. L’Allemagne qui pèse plus de 25 % du PIB de l’Union, n’a contribué qu’à moins de 10 % de l’augmentation de la richesse de l’ensemble des vingt-cinq au cours des années 2002, 2003 et 2004.

La France s’enlise dans la croissance molle (0,2%), tandis que se creuse son déficit commercial et que son déficit budgétaire risque de maintenir à nouveau le déficit public au dessus des 3% du PIB en violation des engagements pris vis à vis de la commission de Bruxelles. Le chômage en France paraît s’accrocher au dessus des 10% de la population active (10,2%).

L’Espagne, de son côté, connaît quasiment une situation de surchauffe avec un taux d’inflation de 3,5% alors que le taux directeur de la BCE est de 2%. En somme, l’Espagne bénéficie aujourd’hui de taux d’intérêt réels négatifs qui font que l’immobilier connaît une spéculation très vive.

Et la situation est encore plus contradictoire pour la Grèce où le déficit public atteint 7,1% du PIB en 2004, ou pour le Portugal qui, lui, présente un déficit de 7% de son PIB

Certes, ces divergences ne sont pas nouvelles. Elles existent depuis la création de l’euro. Mais ces écarts se sont beaucoup accentués sur la dernière période, dans des conditions où l’ensemble de l’Union européenne se trouve confrontée à des difficultés de croissance beaucoup plus graves que les Etats-Unis ou les pays émergents.

Au total, alors que l’euro était censé faire converger durablement les économies, tout en leur donnant la possibilité de retrouver une croissance durable et riche en emplois, c’est très exactement le contraire qui se produit.

Il faut noter à nouveau ici, combien les exportations de capitaux vident la zone euro de ses richesses, ce qui explique les fragilités de l’ « euro fort » : 505,9 milliards d’euro de sorties nettes cumulées de capitaux de la zone entre 1995 et 2004 . Ces sorties peuvent s’accentuer dans une spéculation contre l’euro, désormais, du fait de la faiblesse de la croissance de la zone, de l’ampleur du chômage et des écarts entre pays et régions, alors même que les Etats-Unis augmentent progressivement leurs taux d’intérêt pour soutenir le dollar.

Dans chaque cas, le moteur de la croissance, aussi faible soit-elle, n’est pas le même et, dans ces conditions, une politique monétaire unique est encore moins adéquate

D’ailleurs on voit grandir le besoin de politique monétaire adaptée aux conditions nationales , ce qui peut tourner à un chacun pour soi dangereux.

Dans les conditions actuelles, la politique monétaire unique de la B.C.E. devient de plus en plus contradictoire et même intolérable.

Les pays les plus en difficulté de la zone euro (France, Italie et Allemagne, qui sont les plus peuplés, mais aussi les Pays-Bas) sont étouffés par des taux d’intérêt réels élevés relativement à des taux de croissance réelle d’autant plus chétifs que, dans de nombreux secteurs industriels, il y a une véritable déflation des prix en provenance des pays émergents.

On commence d’ailleurs à parler de risque d’implosion de la zone euro et même de sortie de l’euro pour certains pays. Cela a été dit en Allemagne par un ministre.

Mais le plus significatif, c’est en Italie ou des officiels ont évoqué la sortie de la lire de l’euro et son indexation au dollar, tandis que la Ligue du Nord a décidé de mener une campagne de masse sur ce terrain.

Le mécontentement vis à vis de la BCE et de sa politique monétaire unique augmente de partout et, surtout, il n’hésite plus à s’exprimer publiquement, plongeant les autorités monétaires dans le désarroi et les forçant à sortir communiqué sur communiqué pour rassurer.

De partout, on se plaint du passage à l’euro qui a fait perdre le sens de la mesure et permis une valse des étiquettes, sur les produits de grande consommation notamment.

Bref, dans la crise s’ouvre le débat sur l’ euro et la BCE réputés jusqu’ici sujets tabous au risque, si on l’abordait, de passer pour anti-européen.

Cette "libération de la parole" fait écho au désastre économique et social engendré par la BCE et son orientation dogmatique. Bien sûr, elle peut être récupérée par les populistes avec, à la clef, le rassemblement sur des solutions qui conduirait à un véritable explosion de l’Europe via le retour à des dévaluations compétitives.

Mais ce risque ne doit en aucun cas pousser au refoulement des critiques et protestations. Il s’agit au contraire de leur donner plus de vigueur encore en portant une solution de réorientation de la BCE et d’utilisation nouvelle de l’euro.

La BCE tient son mandat du traité de Maastricht qu’entendait constitutionnaliser le projet de traité rejeté par les français et néerlandais.

Elle ne peut plus du tout répondre aux exigences de plus en plus contradictoires des États de la zone, membres et candidats, et maintenir en même temps des taux d’intérêt au service d’un euro visant avant tout à rivaliser avec le dollar dans l’attraction des capitaux financiers.

Cela n’indique-t-il pas, en même temps, l’échec terrible d’une tentative de lancer une monnaie unique pour rivaliser avec les américains dans la domination financière du monde, au lieu de promouvoir une monnaie commune au service du développement de l’emploi et des capacités humaines de tous les européens ?

Une réorientation de la BCE et de la politique monnaie monétaire et donc absolument nécessaire.

Elle ne saurait se limiter, comme on l’a vu, à une baisse uniforme des taux d’intérêt, comme le propose ATTAC .

Elle ne saurait non plus s’accommoder d’une réécriture des seules parties I et II du projet de traité constitutionnel rejeté par la France et les Pays-Bas, sous prétexte d’en faire un texte court et ramassé sur les droits et les valeurs des européens, ayant vocation à ressembler à une constitution. C’est ce que vient à nouveau de proposer Valérie Giscard d’ Estaing .

Il est au contraire indispensable, non seulement, de revisité profondément les institutions européennes mais aussi de réorienter radicalement son fonctionnement et ses politiques, particulièrement sa politique monétaire et son pacte de stabilité.

Tout cela confirme la nécessité d’un contrôle politique de la B.C.E. par les Parlements européen et nationaux, et d’une politique monétaire sélective au service de la réalisation d’objectifs chiffrés et contraignants d’emploi. Les taux d’intérêt de la B.C.E. serait d’autant plus abaissés que les crédits qu’elle re-finance servent à des investissements programmant plus d’emplois et de formations ; son taux serait relevé pour les crédits servant à financer des opérations financières ou spéculatives.

C) Le besoin d’une relance européenne pour l’emploi et le progrès social :

Mais la crise a actuelle de l’euro soulève inséparablement trois questions.

Celle d’interventions éventuelles de la BCE sur les marchés de change pour guider le rapport euro - dollar. Peu de choses sont dites là dessus dans les traités si ce n’est que la politique de change de l’euro relève du conseil européen, en concertation avec la B.C.E., et dans la mesure où les choix retenus en la matière ne mettent pas en cause l’objectif primordial de stabilité des prix .La question d’interventions de la B.C.E. sur les marchés de change pour soutenir l’ emploi et la croissance paraît posée, surtout si l’on veut opérer un rapprochement non dominateur avec la Chine dont le Yuan est indexé sur le dollar. Simultanément est posée la question de la gestion des réserves de change de la BCE. On sait qu’elle dispose, outre ses réserves en or, de réserves en devises pour une contre-valeur de l’ordre de 150 milliards d’euro, pour l’essentiel en dollars. On sait aussi qu’elle place largement ses réserves en bons du trésor des États-Unis, soutenant ainsi la dépense publique de ce pays, alors même que les traités le lui interdisent pour l’Europe . Cela pose la question du système monétaire international et la nécessité d’une monnaie commune alternative au dollar. La question d’initiatives nouvelles de la B.C.E. et de l’Union européenne en direction des pays émergents et en développement. Il est temps désormais de travailler en pratique au développement de la proposition avancée par Paul Boccara d’un plan de type Marshall avec des dons en euro de la B.C.E. aux banques centrales des pays aidés afin qu’ils puissent développer un crédit nouveau incitatif pour des investissements programmant le plus de créations d’emplois et de mises en formation, base pour des achats d’équipements au pays de l’Union européenne dans le cadre de protocoles nationaux et européens de co-développement. La situation ne se prête-t-elle pas aussi à une relance forte du débat monnaie commune/monnaie unique ? L’euro a été conçu et géré comme une monnaie unique et cela a conduit à la crise actuelle appelée à s’envenimer. Le besoin d’une différenciation de la politique monétaire par pays, en fonction des besoins d’emploi et de formation de chacun, au lieu de son unicité actuelle contre l’emploi de tous, appelle une autre utilisation de l’euro tenant compte des conditions sociales nationales de chaque pays. Cela ne rend-il pas nécessaire la maîtrise par les parlements nationaux d’enveloppes annuelles de crédits pour la réalisation d’objectifs chiffrés et contraignants d’ emploi et de formation et, dans les régions, les entreprises et les localités, d’ un contrôle et d’une intervention sur l’utilisation des fonds par les salariés, les élus, les citoyens. On peut ici mesurer combien l’action pour obtenir dans l’immédiat la création de Fonds régionaux pour l’emploi et la formation (F.R.E.F.) permettrait de commencer à investir en pratique ce terrain. Simultanément se pose la question des politiques budgétaires nationales, du pacte de stabilité et de l’utilisation des fonds publics. Il y a eu au Conseil européen de Bruxelles de juin dernier un affrontement sans précédent à propos du budget de l’Union dans un contexte où, du fait de l’élargissement, de l’ampleur du chômage et de la faiblesse rémanente de la croissance, les acquis communautaires d’ États fondateurs de la C.E.E. sont désormais antagonistes et discutés. Et cela met aux prises, au delà des Etats concernés, des intérêts capitalistes nationaux divergents. C’est le cas avec l’affrontement Blair - Chirac sur le chèque reversé au Royaume-Uni et sur la politique agricole commune (PAC) dont bénéficie notamment la France, alors que les nouveaux pays entrants devrait bénéficier d’un redéploiement de fonds structurels qui, tout en étant moins importants relativement que ceux dont bénéficièrent l’Espagne et le Portugal pour leur adhésion, viennent cependant en soustraction de ce que perçoivent du budget européen les anciens pays membres. Ce sont en réalité les perspectives financières de l’Union pour 2007- 2013 qui sont en cause. Tout cela se fait sur la base d’un consensus entre les principaux pays : réduire la part des dépenses du budget communautaire en proportion du PIB dans la mesure où elle sollicite de plus en plus les budgets nationaux. Or, ceux-ci sont soumis aux rationnements drastiques du pacte de stabilité et à une concurrence fiscale intense avec le chantage aux délocalisations et la rivalité pour attirer les capitaux. Cet affrontement a pour contrepartie non dite la volonté de ne pas toucher à la B.C.E. , à son orientation et de poursuivre, malgré les contradictions intenables, les disciplines imposées par le pacte de stabilité.

Face à une telle situation, on peut être tenté de dire comme certains , que la seule solution serait d’exiger une forte augmentation du budget communautaire afin de faciliter l’insertion des nouveaux pays membres - sans cependant préciser qu’il faut remettre en cause l’obligation faite à ces pays de respecter « l’acquis communautaire » et d’adhérer à l’euro (sans possibilité pour eux de bénéficier, comme le Danemark et le Royaume-Uni, d’une clause d’exemption). Et on propose, comme ATTAC , de recourir à l’emprunt pour financer l’augmentation du budget communautaire. C’est dans le même esprit que cette association propose de relancer la croissance en Europe par de grands travaux d’infrastructures financés par l’emprunt, exhumant ainsi une vieille proposition, avancée pour la première fois en 1991 par Jacques Delors dans son rapport sur "la croissance, la compétitivité et l’emploi » dans l’Union européenne .

Or une telle politique développerait plusieurs antagonismes :

C’est, d’abord, avec le recours à l’emprunt, l’accentuation de la domination des marchés financiers contre l’emploi et la croissance.

Deuxièmement, le recours massif à l’emprunt sur les marchés financiers entrerait, bien sûr, en contradiction avec les besoins de financements extérieurs des États-Unis par le marché. Ils riposteraient immanquablement par la hausse des taux d’intérêt, précipitant de nouvelles difficultés.

Troisièmement, le financement budgétaire très accru de nouveaux membres de l’Union ne met nullement à l’abri, bien au contraire, de vastes gâchis de fonds publics, qui accentueraient en retour le besoin d’emprunts de l’Union.

Enfin, le financement de grands travaux d’infrastructures, au lieu de stimuler une croissance durable, pourrait aussi déboucher sur de formidable gâchis sachant que ces grands chantiers ne s’accompagnent spontanément que de fort peu de créations d’emplois durables et qualifiés. Chacun, du côté de Calais particulièrement, a encore en tête l’expérience de la construction du tunnel sous la Manche.

On peut penser, au contraire, que la crise budgétaire de l’Union amène à poser la nécessité absolue d’une tout autre façon de faire.

N’indique-t-elle pas, d’abord, un besoin impérieux de s’émanciper du pacte de stabilité - au lieu de proposer seulement un nouveau "relâchement" comme le fait ATTAC - et d’essayer de viser au contraire un pacte de coopération pour l’ emploi, les qualifications, la croissance réelle avec les nouvelles technologies ?

Cela ne pose-t-il pas inséparablement l’exigence d’un soutien par la création monétaire de la BCE, des dépenses publiques nationales et européennes en matière de santé, d’éducation, de recherche, de logement social via, par exemple, l’achat à l’émission de titres d’emprunts publics. Cela pourrait notamment concerner le financement de grands programmes de coopération européens allant jusqu’à des co-productions assorties d’ objectifs chiffrés et contraignants de créations d’emplois et de formations dans les domaines des technologies informationnelles.

Enfin, si il faut engager, en coopération, le lancement de grands travaux d’infrastructures, ne conviendrait-il pas qu’il soit accompagné d’objectifs chiffrés et contraignants de créations d’emplois stables et correctement rémunérés et de formations permettant un reclassement choisi par les intéressés eux-mêmes, sans aucun passage par le chômage, en fin de contrat de chantier ? Quant au financement de ces grands travaux ne devraient-ils pas être prioritairement financés par la Banque européenne d’investissements (B.E.I.) qui se re-financerait directement auprès de la B.C.E.,au lieu d’emprunter sur les marchés financiers ?


Le : 22.11.2005
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