Escamoté en 2002, le débat sur l’avenir de l’Europe sera l’un des enjeux clefs de l’élection présidentielle de 2007. D’ores et déjà, les chefs d’Etat et de gouvernement ont prévu d’examiner à la mi-2007 la question du devenir institutionnel de l’Union et du traité constitutionnel.
Le 29 mai dernier, le traité constitutionnel européen a été rejeté par une majorité de nos citoyens. Les socialistes prennent acte de ce rejet et respecteront cette volonté
populaire. Ils proposent de redéfinir les bases de relance du projet européen.
Pour l’Europe, nous proposons un plan de relance reposant sur les éléments suivants :
retrait des directives anti-sociales (directive services, directive temps de travail, etc...) et élaboration d’une directive cadre sur les services publics ;
renforcement de la zone euro avec un objectif d’emploi, de croissance et d’innovation clairement affirmé dans le pilotage économique de la zone,
réforme du pacte de stabilité, mise en place d’un gouvernement économique, contrôle démocratique de la BCE par le Parlement européen. Les objectifs de la Banque centrale doivent inclure la croissance et le plein emploi.
Elaboration d’un Traité social, empêchant le dumping fiscal et social dans l’Europe élargie et freinant les délocalisations sauvages dans cet espace.
L’émergence d’un salaire minimum européen en serait un symbole.
Rédaction d’un texte constitutionnel, lisible et démocratique, centré sur les institutions et les valeurs de l’Union, ce texte pourrait être élaboré par un processus constituant.
Doublement du budget européen à 2% du PIB. L’union doit désormais avoir la possibilité d’emprunter mais aussi se doter d’un impôt européen qui pourrait être une taxe additionnelle à l’IS.
Une exigence renforcée sur le tarif extérieur commun : les instruments qui existent ne donnent pas satisfaction notamment parce qu’ils ne sont pas suffisamment utilisés. Les socialistes s’engagent à explorer la mise en oeuvre
d’outils susceptibles de mieux protéger l’industrie européenne et son avenir notamment contre les délocalisations extra-européennes. L’établissement de règles sociales et environnementales minimales applicables aux fournisseurs
de l’Union, à l’instar de ce qui existe déjà en matière de normes techniques applicables aux produits importés, pourrait être la condition sine qua non d’une libre importation dans l’UE. Il constituera ainsi un levier puissant pour
faciliter la convergence par le haut des modèles sociaux.
Il faut avancer vers le fédéralisme budgétaire et permettre à l’Union Européenne de lever l’impôt et de lancer des emprunts pour financer un plan d’intégration européenne, à hauteur de ce qui fut nécessaire pour financer la
première vague d’adhésion à l’euro.
A - Notre horizon : l’Europe démocratique
L’Europe politique passe par deux avancées majeures : les institutions et la citoyenneté.
Nous défendons la création d’une véritable démocratie parlementaire européenne. La Commission est, aujourd’hui, un exécutif coupé des citoyens, privé de légitimité. Elle doit l’acquérir. Le Président de la Commission doit être élu par le Parlement et issu de la majorité politique sortie des urnes. À côté de ce gouvernement politique : le Parlement européen, qui représente les citoyens, doit exercer les pleins pouvoirs législatifs et budgétaires et un Conseil des ministres, représentant les États, doit voter à la majorité.
Au sommet de l’édifice, se trouve le Conseil européen qui réunit les chefs d’Etat européens, avec à sa tête un Président de l’Europe .
Au-delà des institutions, il est nécessaire de faire vivre la démocratie européenne.
Nous faisons en ce sens plusieurs propositions : placer le choix du Président de la Commission au coeur des élections européennes ; choisir les Commissaires parmi les députés européens ; réserver une fraction des sièges du Parlement européen (par exemple 20 %) à des parlementaires élus sur des listes paneuropéennes.
Nous souhaitons aussi développer la citoyenneté européenne :
L’Europe politique passe par la création du sentiment d’appartenance européen. De nombreuses pistes peuvent être explorées pour développer cette conscience européenne : généraliser le programme Erasmus en introduisant dans les cursus universitaires l’obligation d’accomplir au moins une année d’étude dans l’Union hors du pays d’origine ; compléter avec un volet européen l’éducation civique nationale
dispensée à l’école ; créer un enseignement de l’histoire européenne sur la base d’un programme et d’un livre d’histoire communs pour toute l’Europe ; créer un grand
média audiovisuel public à vocation européenne, sur le modèle d’Arte ; développer le débat public en France avec la création d’un forum permanent de débat sur l’Europe.
B - Notre volonté : l’Europe sociale
L’Europe sociale est, naturellement, la priorité des socialistes. Le message du 29 mai, et sur un continent qui compte 20 millions de chômeurs, est une demande de
protection sociale. Il faut l’entendre. C’est une étape supplémentaire qu’il faut construire. D’ores et déjà, nous faisons cinq propositions en ce sens :
• Introduire un revenu minimum européen, qui traduirait les droits économiques du citoyen européen - le droit à un niveau de vie minimum ; aller vers la mise en place d’un salaire minimum dans chacun des pays et en faire progressivement converger les niveaux vers un montant unique
• Créer un fonds européen de soutien aux salariés victimes des restructurations ;
• Faire de la sécurité sociale professionnelle le premier droit social européen.
• Nous devons élaborer un traité social européen qui seul peut garantir la cohésion sociale.
• Enfin, les socialistes défendront un moratoire sur les libéralisations tant qu’une directive-cadre n’aura pas garanti la pérennité des services publics dans des
secteurs comme La Poste, l’énergie, les transports, le contrôle aérien. Le refus de la marchandisation de l’éducation, de la culture, de la santé et du corps humain doit être réaffirmé.
Une autre clé sera l’accroissement du budget européen, dont l’insignifiance empêche toute action financière sérieuse. La politique de Jacques Chirac visant à limiter le budget européen à 1 % du PIB est le plus sûr garant d’une Europe impuissante.
Nous nous fixons comme objectif de moyen terme de doubler le budget européen, à 2 % du PIB. Pour financer cet accroissement budgétaire, l’Union doit désormais avoir la possibilité d’emprunter mais aussi se doter d’un impôt européen qui pourrait être une taxe additionnelle à l’impôt sur les sociétés.
C - L’Europe au service de la croissance et de l’emploi
L’Europe économique et monétaire est une construction inachevée. Pour avancer, trois réformes sont nécessaires :
Créer le gouvernement économique européen. Aujourd’hui, la zone euro fonctionne sans autre direction que les règles du pacte de stabilité. Il faut mettre un pilote dans l’avion. Les solutions sont connues : institutionnaliser l’Eurogroupe -la réunion des ministres des finances de la zone euro- lui
donner les pleines compétences juridiques pour arrêter la politique économique de la zone euro, et y élire un président stable, qui sera le Ministre des finances de l’Europe.
Réviser les statuts de la Banque centrale européenne (BCE). Du fait de son attention trop exclusive à la stabilité des prix, la politique monétaire de la BCE est un frein à la croissance. Il ne s’agit pas de revenir sur l’indépendance
de la banque centrale, systématique dans toutes les grandes démocraties, mais d’obliger à la prise en compte de l’objectif de croissance et d’emploi.
Donner à l’Europe la capacité d’investir dans l’avenir. L’économie européenne souffre d’un mal bien identifié : elle n’a pas franchi la frontière technologique qui la sépare de l’économie de la connaissance. Cela passe par la réorientation du budget européen vers ces dépenses d’avenir : à terme, la recherche doit devenir le premier budget de l’Union.
D - La relance européenne
L’échec du traité constitutionnel nous rappelle combien la voie vers la construction européenne doit être partagée par les citoyens.
Il faut faire l’Europe avec les peuples. C’est pourquoi nous proposerons de reprendre, le moment venu dans le respect du vote populaire, le débat institutionnel sous une forme associant pleinement le Parlement européen et les parlements
nationaux.
Dans l’attente, il faut porter des projets concrets de l’Europe, et notamment les initiatives qui doivent partir de la coopération renforcée que représente d’abord la
zone euro : c’est le cadre qui permet d’aller plus loin vers l’harmonisation fiscale, les grands travaux et les initiatives technologiques.
Nous voulons aussi garantir la sécurité à l’intérieur de l’Europe et dans le monde. La construction d’une défense européenne à côté de l’OTAN est, dans cette perspective, le grand chantier de la prochaine décennie et un objectif prioritaire pour les socialistes.
En outre, l’Union européenne doit se faire le champion du développement de l’ensemble de l’Afrique. La France a en la matière une responsabilité particulière.
Nous devons, en rupture avec des pratiques de clientélisme et de paternalisme, redéfinir notre politique africaine pour qu’elle soit plus exigeante sur la démocratie et les droits de l’Homme et plus généreuse sur l’ouverture de nos marchés et l’aide au développement.
Enfin, l’Europe doit délimiter ses frontières. Cette question doit être abordée sans tabou ni hypocrisie. Elle exige une réflexion de fond sur l’identité de l’Europe, sa
géographie, son histoire, sa culture. Si nous sommes favorables à l’ouverture des négociations d’adhésion avec la Turquie, nous ne pouvons préjuger de leurs résultats. Celles-ci ne peuvent se conclure sans que soient acquis le plein respect des libertés démocratiques, des droits des minorités, la reconnaissance du génocide arménien et la reconnaissance de Chypre.
Nous avons également l’ambition d’affirmer la vocation méditerranéenne de l’Europe, en renforçant le processus euro-méditerranéen. À cet égard, nous proposons la création d’une banque de développement euro-méditerranéenne, la réalisation de la Charte de paix et de stabilité et le lancement d’un programme de dépollution de la mer Méditerranée.
Nous ne nous résignons pas. Nous voulons toujours, comme le disait Léon Blum, « faire l’Europe en pensant le monde ». Le débat sur le traité constitutionnel a au moins permis un grand débat démocratique. C’est à partir de cette prise de
conscience que nous voulons relancer la construction européenne.
Nous y travaillerons avec tous ceux qui, en France et en Europe, partagent notre idéal. Nous proposerons dans ce but la convocation, au premier semestre 2006, une convention du Parti Socialiste Européen (PSE) pour doter les socialistes européens d’une plateforme commune et qui propose une réforme du PSE en le transformant en véritable parti de militants, en reconnaissant les courants d’opinion transnationaux et en permettant ainsi de proposer une orientation politique générale claire du PSE.