Par Daniel Rome, secrétaire national du réseau école
Les communistes ont un projet pour l’école, un projet visant à transformer en profondeur notre système éducatif, une démarche qui est au coeur des enjeux d’une véritable alternative au néolibéralisme. Ce projet suscite à la fois beaucoup d’assentiment et d’engouement dans les milieux progressistes, mais aussi de la controverse et des points de désaccord, qui doivent se débattre publiquement. Il ne s’agit pas de proposer « quelques mesures » pour que ça aille mieux, car nous sommes persuadés que quelques mesures ne changeront pas en profondeur ce système qui produit des inégalités scolaires. Nous proposons une démarche politique et culturelle qui rompt dans sa logique avec la construction actuelle générant de l’exclusion dans l’accès aux savoirs.
Est-ce que tous les élèves peuvent réussir, c’est-à-dire obtenir un diplôme et acquérir et maîtriser une culture scolaire commune ? En sont-ils tous capables ? Le service public doit créer les conditions de cette réussite (encore faudrait-il redéfinir ce que l’on appelle la réussite). Nous défendons le principe de l’éducabilité pour tous et nous proposons de nous inscrire dans la lutte contre les inégalités sociales à l’école. Cela suppose bien entendu des moyens financiers et humains qui sortent d’une logique purement comptable, en prenant en compte la diversité des situations économique, sociale et territoriale. Le travail d’un enseignant n’est pas le même selon les filières et les publics. Bien sûr, il ne faut pas poser le problème en ayant en tête le prisme de la réalité d’aujourd’hui, où les statuts et protections acquis depuis plusieurs décennies sont remis en cause, mais s’interroger sur ce qu’est le métier d’enseignant. Comment peut-il se transformer pour répondre aux exigences de notre temps ?
Cela suppose de modifier la formation des enseignants et de revoir les modes de recrutement pour répondre aux besoins de l’école, de la maternelle à l’université, et aider les enseignants dans leur travail pour améliorer l’efficacité du service public. Aucun changement, aucune amélioration, a fortiori aucune transformation ne peut être envisagée sans que les personnels de l’éducation nationale soient fortement impliqués dans les objectifs et la mise en oeuvre. La pédagogie est généralement réduite à une forme, une méthode, et ne prend que rarement en compte la question des contenus de savoirs enseignés. Mais comment penser un quelconque mode de transmission sans s’être interrogé sur l’objet de la transmission ?
La question de la formation des enseignants et des enjeux politiques de cette formation est fortement posée. Il y a deux ans, un sondage de la FSU montrait qu’un nombre non négligeable d’enseignants étaient convaincus que tous les élèves ne pouvaient pas réussir. Car la distance objective est souvent très grande entre eux et leurs élèves : non plus seulement en termes de méthodes, mais en termes d’éthique, où l’objectif est bien, en permettant l’accès aux savoirs, à l’autonomie de pensée, à la capacité à agir dans une vision solidaire de la société, de favoriser l’émancipation mentale de tous et la mise en partage des savoirs.
C’est ainsi qu’en ZEP, certains estiment que l’on ne peut demander autant à ceux qui ont moins (mais de quoi est fait pour eux ce manque ?), que la complexité n’est pas à leur portée et que viser à un SMIC des savoirs est indispensable, au moins dans un premier temps, pour qu’enfin « sortir » de l’école puisse permettre par des approches plus ludiques de mieux faire « passer » la pilule amère des apprentissages. Les enseignants peu formés pour affronter des élèves dans lesquels ils ne se reconnaissent pas vivent douloureusement leur « abandon » par l’institution. Ils s’enferment dans une image dévalorisée d’eux-mêmes, où ils ne s’autorisent plus à penser qu’ils sont capables de réussir, c’est-à-dire de faire réussir les élèves qui leur sont confiés. Il ne s’agit pas de stigmatiser les enseignants, mais de considérer que ce qui se fait à l’école intéresse toute la société et que former et aider les enseignants peut concourir à réduire ou non le nombre d’élèves en situation d’échec. Cette question doit aussi faire partie du débat. Les valeurs progressistes que nous défendons n’existent que dans les pratiques qui les construisent. Le meilleur moyen de défendre l’école c’est de la transformer. Cette transformation est aujourd’hui un véritable défi, un enjeu de civilisation.