« Un levier pour sortir du cercle vicieux de la réduction de la dépense publique. »
La réforme fiscale de Villepin nous rappelle la constance affichée en la matière depuis le milieu des années quatre-vingt. Nous sommes au cœur d’un processus de « défiscalisation » sous-tendu par l’idéologie du « trop d’impôt ».
Cette croisade antifiscale est menée contre deux types de prélèvements directs, ceux assis sur les bénéfices des entreprises et le capital, et ceux touchant aux revenus et à la fortune. L’impôt sur le revenu, l’impôt sur la fortune, l’impôt sur les sociétés et la taxe professionnelle sont dans l’œil du cyclone libéral.
Par contre, pas un mot sur la pression fiscale engendrée par les impôts indirects, TVA et TIPP, qui représentent presque 60 % des recettes fiscales. Pas un mot sur le poids croissant des impôts locaux comme la taxe d’habitation, dont le produit a augmenté de 50 % en dix ans, ou la taxe des ordures ménagères.
Les divers allégements fiscaux mis en œuvre ont eu pour effet immédiat le freinage des dépenses publiques et sociales et l’aggravation des déficits. Le caractère de classe de l’évolution de la fiscalité est aujourd’hui patent !
Sortir de ce cercle vicieux suppose le retour à une croissance saine et durable permettant d’assurer à tous des conditions de vie décentes. Faire le choix d’une politique de gauche soucieuse d’engager une véritable transformation des rapports sociaux et économiques implique nécessairement une réorientation des prélèvements fiscaux touchant à la fois à leur répartition et à leur finalité. Soucieux qu’une telle problématique suscite un réel débat citoyen, le Parti communiste avance un certain nombre de propositions.
Elles s’articulent autour de deux axes principaux : justice sociale et nouvelle croissance. Une injustice flagrante est la mise en pièces du caractère progressif de l’impôt, particulièrement l’impôt sur le revenu et l’ISF. La progressivité est le seul moyen de prendre en compte la capacité contributive réelle des citoyens, c’est-à-dire de soumettre chacun à un prélèvement qui tienne effectivement compte de ses revenus.
L’impôt progressif, à l’opposé de l’impôt proportionnel, favorise la justice sociale. Il est source d’impulsion d’une véritable dynamique économique. En France, sa part dans les ressources budgétaires est une des plus faibles des pays développés (11,9 % du PIB, contre 13,4 % en moyenne en Europe). Et le gouvernement choisit encore de la faire diminuer. Doubler la part que représentent les prélèvements progressifs permettrait d’inverser cette tendance et d’engager une réduction corrélative des prélèvements indirects, rétablissant ainsi une certaine justice. La fiscalité doit intégrer la double exigence de mieux redistribuer les richesses et de relancer la croissance.
L’objectif est d’augmenter les recettes fiscales afin de mieux alimenter les budgets publics et sociaux et de redonner des marges réelles à la dépense publique et sociale. Elle représente en ce sens un levier pour sortir du cercle vicieux de la réduction de la dépense publique et rompre avec la logique du pacte de stabilité européen.
Si les choix fiscaux constituent un moyen de réamorcer la pompe économique et budgétaire, le crédit a également un rôle essentiel. Moteur d’un élargissement de la base des prélèvements fiscaux et source de nouvelles recettes, la mobilisation du crédit aux côtés de la fiscalité est une des clés pour rompre avec la logique monétariste imposée par la BCE.
On ne peut parler de réforme fiscale sans se soucier du contexte européen. Aujourd’hui prime la concurrence. Certains voient dans l’harmonisation fiscale la recette pour juguler le dumping fiscal et en profitent pour entretenir un peu plus l’illusion fédéraliste. Dans un espace européen où domine le dogme de la réduction des coûts, droits des citoyens et des États pourraient en faire directement les frais. Dans une optique de codéveloppement réel et de projets partagés, pourquoi ne pas instaurer un dispositif de taxation compensatoire entre les États de l’Union qui alimenterait un fond spécial d’aide au développement dont le contrôle serait placé sous l’autorité directe du Parlement ?
Quelques pistes concrètes à débattre.
Impôt sur le revenu : passer le nombre de tranches à 9 au lieu de 7 (et bientôt 5) pour assurer une meilleure progressivité, relever le taux marginal à 55 % et instaurer un minimum imposable à 8 000 euros. Seraient soumis à ce traitement les revenus du travail et ceux de la propriété foncière et financière.
Impôt sur la fortune : doubler son taux pour les tranches situées entre 750 000 euros et 1 200 000 euros, le tripler pour celles au-dessus.
Impôt sur les sociétés : soumettre cet impôt à un barème progressif et en moduler les taux selon la part de bénéfices réinvestis pour l’emploi, les salaires, la formation, dans la modernisation de l’outil de travail et la recherche par rapport à celle distribuée aux actionnaires et/ou placée sur les marchés financiers.
TIPP (7 % des recettes de l’État en 2004) : créer un taux de prélèvement maximum égal à la moyenne des taux en vigueur au cours des 18 derniers mois.
TVA (47,5 % des recettes de l’État en 2004) : basculer au taux réduit divers produits de première nécessité comme l’habillement, les livres, les CD, les DVD, la micro-informatique.
Taxe professionnelle (TP) : en faire un véritable impôt assis sur les actifs matériels et financiers de l’entreprise, une sorte d’impôt sur le capital, ce qui permettrait d’ailleurs d’en accroître l’efficacité. À ce titre, nous proposons d’introduire les actifs financiers des entreprises, banques, assurances, grande distribution, dans la base taxable (3 500 milliards d’euros), moyennant une mise à contribution de 0,5 %.
Taxe d’habitation : limiter le montant de l’impôt à 20 % du revenu net perçu.
S’agissant des impôts locaux, une réelle révision foncière est urgente pour disposer d’une référence qui ne soit plus celle de 1970.