Par Bernard Calabuig, membre de la Direction nationale du PCF, responsable du réseau ecole, et José Tovar,membre du secrétariat national du Réseau école
Avec son projet pour une école de l’égalité, de la justice et de la réussite pour tous, le Parti communiste précise son ambition : la transformation progressiste de la société ne peut se concevoir sans une transformation du système éducatif, ayant pour objectif une culture scolaire de haut niveau (générale, technologique, artistique, physique et sportive) pour tous, quelle que soit la filière de formation choisie. Cette ambition prend le contre-pied de la loi Fillon aujourd’hui mise en oeuvre par le ministre Robien.
Au minimum culturel pour les plus défavorisés nous opposons le maximum culturel pour tous. Parce que nous pensons tous les enfants capables d’apprendre, nous visons pour tous une scolarité portée à 18 ans dans laquelle l’école maternelle sera conçue dès l’âge de 3 ans (de 2 ans pour tous les enfants dont la famille le demande) comme la première étape d’un parcours permettant à chacun(e) l’appropriation des savoirs et outils intellectuels qui lui permettront de ne pas rester assigné(e) à ses origines, de s’en émanciper afin que les différences sociales ne deviennent pas des inégalités structurantes. C’est là un choix de société.
La question se résume ainsi : quelle ambition de formation pour quelle société ? Soit une école qui satisfait au moindre coût les exigences d’« employabilité » et de flexibilité des entreprises, dans une société de mise en concurrence des individus où seuls comptent le taux de profit et la rentabilité des capitaux ; soit une école qui, tout en
les préparant à l’insertion professionnelle, considère les jeunes comme des citoyens en formation et leur donne les clés pour comprendre le monde dans lequel ils vivent et agir pour le transformer.
Pour aller dans ce sens nous proposons d’agir sur trois leviers essentiels :
1. Faire de la lutte contre les inégalités dans et hors l’école une priorité absolue. Il serait indispensable, de ce point de vue, de faire un bilan objectif de ce qu’ont apporté de positif la création des ZEP et la mise en oeuvre de divers dispositifs de lutte contre l’échec scolaire afin de mieux évaluer les réformes nécessaires à la réussite de tous. La création d’observatoires de la scolarité (1), fonctionnant en relation avec les équipes pédagogiques des établissements en termes de partenariat d’initiative populaire avec la participation des acteurs de l’école, chercheurs, associations, élus, syndicalistes, permettrait de se doter d’une analyse commune des situations concrètes alimentée par la recherche, de mobiliser des moyens pertinents et d’élaborer des stratégies individuelles et collectives pour faire reculer l’échec. De même la création d’un fonds national de lutte contre les inégalités à l’école permettant de s’inscrire dans une gratuité effective et totale de l’enseignement (fournitures, cantine, transport) qui ne peut dépendre des enjeux politiques locaux. Ce fonds se devrait de résorber dans l’immédiat les inégalités territoriales croissantes aggravées avec la « décentralisation ».
2. Aucun changement et aucune amélioration ne peuvent être envisagés sans que les enseignants et les personnels ne soient fortement impliqués dans les objectifs et la mise en oeuvre de cette ambition. Les métiers de l’éducation ont subi depuis plusieurs décennies une importante dévalorisation. Il faut mettre en place un plan ambitieux de rénovation de la formation des maîtres, initiale et continue, et d’amélioration des conditions d’exercice de tous les métiers de l’éducation. Il faut stopper la spirale destructrice des suppressions d’emplois, notamment depuis 2002. Aujourd’hui le ministre veut donner le sentiment d’un effort sans précédent pour le budget 2006. Mais la réalité est tout autre : 1 383 postes supprimés dans le second degré pour 42 800 élèves de moins et seulement 1 000 créations dans le premier degré (dont 200 réservés pour Mayotte) pour 49 900 élèves supplémentaires, soit 1 poste pour 62 élèves ! À cela s’ajoutent les emplois de « vie scolaire » du plan Borloo qui accentueront encore la précarité. Il faut stopper cette casse méthodique du service public et développer un programme ambitieux de recrutement de personnels qualifiés. La mise en place d’un plan de recrutement révisable à 5 ans, incluant des prérecrutements rémunérés dès le bac pour faire face au renouvellement des générations et en finir avec la précarité, est devenue une urgence.
3. Parce que l’école n’est la propriété d’aucun pouvoir politique, il faut favoriser en son sein l’exercice de la citoyenneté tant pour les personnels que pour les parents
et les élèves. Nous proposons qu’un statut de citoyen en formation soit reconnu pour tous les élèves de lycées ouvrant droit à des droits clairement énoncés. Des programmes conçus afin de développer l’esprit critique des élèves, et que les ouvrages scolaires contribuent à cette logique. Des droits d’organisation reconnue pour les lycéens dans les associations, partis ou syndicats de leurs choix. Enfin l’école a besoin d’un partenariat actif entre parents enseignants et élèves : un statut de parent délégué bénévole associatif donnant des droits comparables à ceux de délégué du personnel pour les représentants des salariés doit être instauré par la loi.
La mise en oeuvre de ces propositions suppose d’énormes moyens. Or, pour ce gouvernement, la dépense publique pour la formation devient un coût insupportable. Les collectivités locales et les familles investissent de plus en plus.
Pour 2006, Robien annonce un budget équivalant à 4,3 % du PIB. Nous proposons que l’engagement financier de l’État soit porté en cinq ans à 7 % du PIB. C’est considérable : cela suppose une redéfinition de la fiscalité. L’argent existe, tout est affaire de choix politiques.
(1) « Quels leviers pour la transformation progressiste de l’école ? » : sur ce thème le réseau école organise un forum national le 5 novembre de 9 heures à 17 heures dans l’espace Niemeyer, 2, place du Colonel-Fabien à Paris. Métro Colonel-Fabien.